Dans les années 1990 - 2000, les suites des grands classiques du studio d'animation Walt Disney avaient la belle excuse d'être des produits relégués au seul marché de la vidéo. Depuis la sortie de Toy Story 2 (collaboration avec Pixar) en 1999, le phénomène autour de ces suites est tel que Disney Television Animation ne cache plus du tout son but de produire un vrai film spécialement pour le cinéma.
Return to Never Land, la suite du grand classique Peter Pan, initialement prévu pour le marché de la vidéo sort donc dans les salles de cinéma en 2002.
Étonnement, depuis cette époque, on considère que ce film a été la première concrétisation cinéma de cette ambition dévorante du profit Disney en capitalisant sur ses anciennes gloires. Cette affirmation est évidemment fausse quand on connaît Toy Story 2 (collaboration avec Pixar) ou encore The Tigger Movie (suite de The Many Adventures of Winnie the Pooh) qui a eu le droit à une sortie en salle.
On considère aussi, à cette époque, qu'il s'agissait là de rien de moins que la plus belle suite produite par Disney Television Animation. Est-ce qu'ils l'avaient réellement vu avant d'écrire ça ? Avec 20 ans de recul, on pourrait croire que non. Il n'empêche que la plupart n'avait effectivement pas totalement tort.
Ceux qui ont connu cette période se souviennent sans nul doute que, malgré les doutes, on gardait encore une forme d'espoir autour des suites Disney. Sans aller jusqu'à l'aveuglement collectif, nous acceptions presque les yeux fermés ces suites. Le studio a énormément bénéficié d'un phénomène d'acceptation généralisé.
Return to Never Land fait donc parti de cette mouvance d’acceptation et rares sont ceux qui ne l'apprécient pas à l’époque. Pourtant, on part vraiment de loin avec ce film, à commencer par son animation pas toujours très heureuse. C'est bien simple, la première chose qui traverse l'esprit du spectateur un peu avisé lorsque Peter Pan apparaît à l'écran, c'est le dégoût.
Wendy a grandi, elle s'est mariée et a eu deux enfants. Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, elle raconte chaque soir à ses enfants les fabuleuses aventures de Peter Pan. Mais Jane, son aînée âgée de 12 ans, au caractère affirmé, refuse de croire à ces contes de fées. Jusqu'au jour où le Capitaine Crochet l'enlève, pensant avoir à faire avec Wendy, et l'emmène de force au Pays Imaginaire où elle va servir de monnaie d'échange. Arrivée là-bas, alors qu'elle ne le sait pas encore, Jane va devoir apprendre à croire en ce qu'elle n'a jamais voulu croire.
Return to Never Land est à l'évidence bien plus sombre que son ainé. Son atmosphère, d'un point de vue graphique et scénaristique, s'inscrit certes dans la droite ligne de son film de référence, mais revêt toutefois une noirceur absente de Peter Pan. Son ouverture pose d'ailleurs vite le décor et présente aux spectateurs les horreurs de la guerre et des bombardements vécus au jour le jour par une petite fille. Le thème du film apparait alors très ambitieux, livrant une vision glaçante des ravages d'une enfance volée par l'effroi des combats, martyrisée par les bombes et affrontements militaires, et finalement contrainte à taire son imagination.
Le prolongement du mythe du passage à l'âge adulte s'inscrit ainsi dans la réalité de la Seconde Guerre Mondiale. L'équipe Disney fait l'étonnant choix de ne pas du tout éluder cette sombre époque. Au contraire, le scénario du film fait en sorte de se servir de ce propos pour construire le personnage de Jane, la fille de la célèbre Wendy. Comme il a toujours été de tradition dans toutes les suites Disney, on retrouve ici le propos du premier film légèrement renversé. A l'époque, Wendy refusait catégoriquement de devenir une adulte, mais elle réalisait qu'on ne pouvait pas vraiment lutter contre le temps qui passe. Dans ce film, Jane est au contraire une enfant qui veut absolument devenir adulte le plus vite possible. Mais pour cela, elle étouffe son étincelle enfantine. Tout le propos du film est justement de réussir à la faire briller à nouveau, afin qu'elle arrête de vouloir grandir trop vite malgré toute la tragédie qui se passe autour d'elle.
Lorsqu’on arrive au Pays Imaginaire, il est vrai que le mirage qualitatif du début du film s'évanouit en un éclair. On se retrouve alors, assez brutalement, renvoyé aux suites mercantiles de peu d'ambition. C'est joli, mais guère mieux. Fade, sans relief, avec la fâcheuse tendance à apparaître comme une détestable fuite en avant, scabreux échappatoire à la réalité.
Mais si le film est qualitativement assez limité, il faut admettre que ce défaut est assez bien contrebalancé par les personnages. Jane, notamment, est un tout nouveau personnage vraiment très sympathique. A mille lieu de ressembler à sa mère, la jeune fille se trouve propulsée dans un monde auquel elle ne croyait pas. Rectification, un monde auquel elle refusait de croire. La dynamique entre elle, Peter Pan, les Enfants Perdus et la Fée Clochette s'en trouve donc complètement renversée. De façon assez habile, le film établit même un parallèle entre son refus de croire en Clochette, qui a de lourdes conséquences au Pays Imaginaire, et le coup de colère de Jane envers son petit frère Daniel avant qu'elle ne soit enlevée.
Le retour du célèbre Capitaine Crochet est moins appréciable à cause de sa métamorphose psychologique infantile. Le Capitaine Crochet se voit ici quasiment transformé en personnage de cartoon. On arrive à retrouver notre ancien Capitaine Crochet quand il doit faire face à sa nouvelle némésis la pieuvre géante. On retrouve aussi son jeu de manipulation quand il tente de convaincre Jane de se rallier à sa cause, mais, surtout, lors de ce bref instant où une vraie pulsion meurtrière traverse ses yeux à la fin du film.
La bande originale, composée par Joel McNeely, offre quelques très beaux moments musicaux ça et là durant le film. Le long métrage parvient aussi, de temps en temps, à composer de très belles scènes à commencer par le très touchant moment de retrouvailles entre Peter Pan et Wendy qui ponctue la toute fin du film.
Dès lors, Return to Never Land se construit petit à petit une bonne réputation, rendant difficile de remettre en cause son existence, même aujourd'hui. Dans tous les cas, son succès en salle à travers le monde, n'a fait que conforter l'empire Disney qu'il n'y aurait désormais plus aucune limite à spolier son glorieux passé. De ce succès est ainsi né un tout nouveau département, le bien peu populaire Disney Toon Studios, qui allait s'occuper à plein temps de produire des suites à tout va.