Quand j'ai appuyé sur le bouton "lecture" de ce film, je savais déjà que ce serait une bouse et force est de constater que mon instinct ne m'avait pas trompée.
Mes connaissances dans l'univers de Peter Pan sont assez restreintes, je dois l'admettre. J'ai bien sûr vu le Disney il y a fort longtemps (avec des souvenirs assez peu précis puisqu'il fait clairement partie de ces films que je n'ai jamais revus), vu Hook avec Robin Williams, vu le Neverland de Marc Foster (avec parcimonie aussi, mais parce qu'il me poignarde en plein cœur à chaque fois), vu le très rock & roll Pan avec Robert Downey Jr. et, enfin, lu le glacial Peter Pan de Loisel. Ce qui est déjà pas mal, vous me direz, même s'il manque la base de la base : le roman de J.M. Barrie.
Bref, tout ça pour dire que je ne pourrais pas souligner les incohérences liées au matériel d'origine puisque je ne les connais pas. Par contre, rien ne m'empêche de remarquer celles qui sont inhérentes au film : les personnages qui auraient dû mourir mais qui survivent quand même (parce que Disney), les personnages qui ne servent à rien (Clochette, le crocodile, les Indiens...), le melting-pot forcé pour cocher les cases hollywoodiennes actuelles (sans se soucier d'une quelconque cohérence par là-dessus), les faux-raccords monstrueux et le paysage à géométrie variable.
Comme je ne pense pas avoir besoin de m'étendre sur pourquoi un gamin qui fait une chute de trente mètres ne devrait pas être capable de gambader comme un cabri un quart d'heure plus tard, je vais passer à l'affirmation suivante : certains personnages ne servent à rien.
Clochette en tête. Mise en avant des minorités oblige, Clochette est ici dépeinte par une actrice noire et sur le principe, ça ne me pose absolument aucun problème (il n'est écrit nulle part que les fées doivent toutes être blondes aux yeux bleus). Le problème, c'est que, de fait, tout ce qui caractérisait ce personnage en particulier est donc automatiquement passé à la trappe. En effet, Clochette est à la base un personnage maladivement jaloux, amoureux de Peter, et sans aucune pitié. Que ce soit dans le Disney d'origine ou dans la BD de Loisel, Clochette n'hésite pas une seconde à envoyer les filles qui tournent autour de Peter au casse-pipe afin d'avoir le champ libre. Dans le Disney, c'est même une grosse balance puisqu'elle dit à Crochet où trouver la cachette des Enfants Perdus. Problème : en 2023, on ne peut plus faire un méchant avec une personne de couleur. Donc, ici, Clochette est juste une insipide créature qui volette et sourit à l'écran sans avoir aucune autre utilité que de répandre de la poudre partout où elle passe. Super. J'aurais été l'actrice, je l'aurais un peu eu en travers de la gorge.
Le crocodile ensuite, celui qui terrifiait tant Crochet dans le Disney. Eh bien, il apparaît une fois, pour manger un pirate anonyme et c'est tout. Voilà. OSEF total. Quant aux Indiens, on les voit vite-fait sur un plan, mais sinon, on voit essentiellement Lily la Tigresse qui côtoie les Enfants Perdus et Peter, mais sans vraiment être avec eux puisqu'elle ne dort pas dans leur refuge (elle dit elle-même que ce n'est pas chez elle, ce qui donne une super image en terme de cohésion de groupe). Mieux, elle ne parle pas la même langue qu'eux. Alors, c'est bien de vouloir mettre en lumière la langue indienne, mais si c'est pour faire en sorte, après, que personne ne comprenne ce qu'elle dit, c'est totalement absurde (et absolument pas inclusif).
Pour le melting-pot forcé qui créé des incohérences : autant je me fiche complètement du fait qu'il y a des gens de toutes les couleurs tant du côté des pirates que des gamins qui accompagnent Peter, autant je tique un peu plus sur la seule femme pirate qui traîne sur le bateau (au-delà du fait que les marins ont longtemps pensé que les femmes portaient malheur en mer, je songe à la vie de merde qu'elle doit avoir à se faire ramoner par tout l'équipage, volontairement ou non) et sur l'usage du terme "Garçons Perdus" quand il y a des filles dans ledit groupe (vous remarquerez que, depuis le début de cette critique, j'emploie le terme d'Enfants Perdus qui, au-delà du fait qu'il est plus logique dans un tel contexte, est celui que j'ai gardé en mémoire sans savoir d'où il vient exactement). Alors, apparemment, il y a une explication donnée dans le texte d'origine sur le fait qu'il n'y ait que des garçons avec Peter sur l'île, mais comme celle-ci n'est jamais donnée dans ce film, à quoi bon avoir gardé l'appellation qui n'a, de toute évidence, plus lieu d'être ? J'ose espérer n'avoir pas été la seule à trouver ça absurde.
Pour les faux-raccords passibles de prison, je vous renvoie directement à la scène de la planche où l'équipage pirate se met à chanter en tapant dans ses mains dans le désordre le plus total. Sincèrement, y'en a pas deux qui suivent le même rythme et aucun ne chante la même chose que son voisin. Et ça se voit car ce n'est pas juste un figurant dans un coin. Non. Même M. Mouche s'y met alors qu'il est filmé en gros plan. Comment c'est seulement possible de valider une scène pareille ? Je veux dire, les supporters de foot arrivent à se synchroniser pour un clapping improvisé alors qu'ils sont 20 000 et on va essayer de nous faire gober que 20 pégus sur un rafiot n'arrivent pas à taper des mains à l'unisson. Excusez-moi d'avoir des gros doutes sur la volonté de bien faire de la production.
Quant au paysage à géométrie variable, je parle bien évidemment du Pays Imaginaire qui apparaît tout d'abord comme un vulgaire caillou pelé en mer d'Irlande avant de brutalement gagner en superficie et de même se voir agrémenté d'une forêt sortie d'on-ne-sait-où. Alors, oui, c'est censé être le Pays Imaginaire où on voit ce qu'on a envie de voir, mais là, je vois surtout qu'on essaie de me la faire à l'envers et je n'aime pas ça.
Bon, sinon, à côté de ça, difficile d'ajouter quoi que ce soit pour essayer de sauver ce film du naufrage total. La haine entre Peter et Crochet trouve une autre explication que celle du Disney d'origine et, si elle est recevable, elle arrive tellement tard qu'elle n'apporte finalement pas grand-chose au récit. 2023 oblige, Wendy vole la vedette à un Peter assez pâlot. Michel, Jean et même les gamins paumés ne sont que spectateurs de ce qui se passe. La musique est sans éclat et la réalisation assez paresseuse. Pour être honnête, j'ai beau l'avoir vu il y a peu de temps, mon cerveau est déjà en train de le pousser vers le vide-ordure pour ne pas encombrer inutilement ma carte mémoire.