Mes vaches, ma bataille

Un élevage laitier, un paysan, une petite trentaine de vaches, une maladie (la FHD) est vous aurez, non pas un documentaire classique sur l’élevage en France, mais plutôt un thriller haletant, rythmé et intense.

Si Petit Paysan sera, certainement, un film que l’on va oublier au bout d’un moment, il n’en reste pas moins un concentré de bonnes idées dans lequel on se plait à suivre la descente aux enfers minutieusement construite par Hubert Charuel et magnifiquement interprété par Swann Arlaud.
Car si Petit Paysan est une vraie réussite, c’est grâce à ce duo. L’un réalise avec brio ce qui est pour un moi un véritable Thriller au delà d’être un drame social. Il capte parfaitement la détresse et la folie grandissante dans la vie de Pierre. Attaché aux émotions de ses personnages et jouant constamment sur celle-ci, on accroche forcément au combat de Pierre.

De son côté, Swann Arlaud interprète excellemment bien cet éleveur, attaché à ces animaux, à la qualité de ces produits, qui veut, à tout prix, sauver son élevage, sauver sa raison d’exister. Sa sœur, Sara Giraudeau est aussi particulièrement convaincante en vétérinaire tiraillé entre son devoir professionnel et son devoir familial. Car cet élevage c’est aussi et surtout l’élevage de son frère et de ses parents.

Au delà de la forme qui est plus que propre. C’est sur le fond que Petit Paysan va transformer l’essai. Avec cette adaptation moderne de la maladie de la Vache Folle qui avait terrassé bon nombre d’élevage il y a environ 20 ans, H. Charuel montre (enfin ?) la détresse que l’épidémie a pu provoquer chez les éleveurs. Des éleveurs a qui l’on a enlevé la raison de vivre pour des « principes de précaution ». Et le film, sans vraiment traiter ce problème directement, montre toute la problématique autour de ce principe, qui est aujourd’hui largement pratiqué dans les cas de Grippe Aviaire. La sécurité sanitaire avant tout. Qu’importe les conséquences sociales, humaines et psychologiques sur toute une partie de la société française, la société agricole, qui malgré son déclin, reste d’une importance capitale dans notre société.

Il est aussi plaisant qu’H. Charuel ait filmé l’élevage avec beaucoup de réalisme. Sans aller chercher l’élevage champêtre, ni l’élevage industriel. Il a juste pris un élevage, comme ça. Une trentaine de vache, une campagne. Pierre est finalement le standard de l’éleveur. Juste un gars qui veut garder son seul outil de travail car, de toute sa vie, il n’a fait que ça. Ce réalisme est à la fois bienvenue car il casse clairement avec les nombreux fantasmes actuels autour de l’élevage. De la vision bucolique à celle des images marginales de certaines associations, Petit Paysan offre un juste milieu. Un juste milieu qui met à la fois en avant les objectifs de production ainsi que la relation quasi fusionnelle que les éleveurs peuvent avoir avec leurs animaux. « Fille » c’est d’ailleurs comme ça que Pierre va qualifier sa future naissance. Il veut une « fille », pas une « femelle » comme la vétérinaire, sa sœur, lui fait remarquer. Ça paraît rien mais ça démontre beaucoup de chose sur ce que H. Charuel a voulu faire passer sur la relation éleveur/animaux.

Au final les 1h30 de Petit Paysan se gobe tel un flamby (je suis pas sur sur de la qualité de la comparaison). D’une grande intensité, d’une noirceur pertinente et viscéralement bien rythmé, H. Charuel livre un Thriller aussi crédible que réaliste. Nous plongeant dans un c**ercle vicieux, où Pierre, va jusqu’à tromper amis et famille**, H. Charuel propose un film aussi social que politique. Une œuvre très originale, plaisante, dure et très réussie. On ne peut qu’apprécier le fait que le cinéma français soit capable de proposer ce type de film.