Avec Petit Vampire Joann Sfar adapte pour le grand écran sa propre BD dont le premier volume date de 1999. Si je ne connais la bande dessinée que de réputation j'avais vu par hasard quelques épisodes de la série d'animation de 2004, pas assez en tout cas pour ne pas aborder ce film d'animation à l'univers graphique assez particulier avec l'esprit vierge de toutes connaissances et d'a priori .
Petit Vampire raconte l'histoire d'un petit garçon qui a dix ans depuis trois cent ans et qui vit dans une bulle invisible aux autres avec sa mère Pandora, son père d'adoption Le Capitaine des Morts et des tonnes de monstres étranges et rigolos. S'ennuyant ferme Petit Vampire voudrait sortir pour aller à l'école comme les autres enfants mais une menace rôde à l'extérieur avec le Gibbous qui depuis trois siècle pourchasse Petit Vampire et sa mère.
Initialement prévu en 3D et abandonné faute d'un budget suffisant Petit Vampire est un film d'animation en 2D classique mais avec un univers graphique tellement fort et séduisant que je n'irai pas me plaindre de ce changement de cap. Si Joann Sfar abandonne l'aspect peut être plus sombre et crayonné de la série télévisée pour une image un peu plus lisse, il conserve tout le côté parfois naïf et abrupt de ses personnages aux contours de feutre noir et aux grands aplats de couleurs. Certains personnages secondaires tout juste esquissés ont même l'aspect b(r)ouillonant d'un dessin d'enfant s'amusant à matérialiser squelettes, fantômes et créatures bizarres. Cette simplicité du trait est pourtant loin d'être synonyme de pauvreté visuelle et Petit Vampire est même un film graphique très beau et séduisant notamment pour la richesse de ses décors, la chatoyante dynamique de ses couleurs et la poésie de son univers. Que ce soit la douceur de cette ville du sud écrasé de soleil, l'inquiétant intérieur gothique du manoir ou vit Petit Vampire, la petite bulle cocooning de la chambre de Michel, une simple salle de classe ou l'incroyable vaisseau pirate intersidérale du Capitaine des Morts, les différents univers du film sont magnifiquement rendus à l'écran et riches de nombreux détails graphiques, d'effets de lumières et de texture.
Dans ce qu'il nous raconte, en dépit de son univers décalé, Petit Vampire reste assez basique et pas trop original. Nous assistons à classique mais sympathique histoire d'amitié entre deux petits garçons avec un méchant pour venir pimenter le tout. Là ou Petit Vampire remporte toute mon adhésion c'est sur la poésie, l'humour, la simplicité et la générosité avec lesquelles Joan Sfar croque ses différents personnages qui réussissent tous à exister et être bien vivants. Petit Vampire et son copain Michel sont à la fois drôles et touchants et c'est avec beaucoup de bonheur que l'on suit leurs facéties de gamins, leurs petits états d'âme de mômes et leur regard sur les choses. Assurant une bonne partie de l'aspect humoristique du film Petit Vampire est accompagné de son fidèle chien grognon Fantomate et surtout de ses trois copains/cousins Claude, Ophtalmo et l'hilarant(e) Margueritte interprété/doublé par Joann Sfar lui même qui on l'imagine a du beaucoup s'amuser à se glisser dans la peau de ce grand benêt attachant aux allures de créature de Frankenstein. Niveau casting vocal on retrouve Jean Paul Rouve plutôt convaincant dans le rôle du capitaine des morts, Camille Cottin parfaite selon moi dans celui de Madame Pandora et Alex Lutz excellent comme toujours dans celui du méchant Gibbous. Quant à Petit Vampire et Michel ils ont la particularité d'être interprété (très bien) par des femmes avec d'un côté Claire de la Rüe du Can pour Michel et Louise Lacoste qui prête sa voix à la fois à Petit Vampire et à un personnage que j'adore qui est Bois dormante la femme sur la proue du bateau du Capitaine des morts Peut être que les fidèles de la série animé seront déçus et désorientés de ne pas retrouver les mêmes voix qu'à la télévision et que les lecteurs ne retrouveront pas les personnages qu'ils avaient en tête mais pour ma part le casting vocal me semble des plus convaincant
Petit Vampire est un film qui certes s'adresse à une jeune audience mais dont la fraîcheur, l'humour et la tendresse devrait séduire un très large public. Personnellement je me suis beaucoup amusé des facéties de Margueritte et j'ai beaucoup aimé la finesse et la douceur avec lesquels Joann Sfar dresse le portrait de Michel, de ses grands parents, de cette étrange communauté de fantômes, vampires, morts vivants, squelettes et monstres en tout genre. On le sait il y-a une bonne part autobiographique pour Joann Sfar dans Petit Vampire, un univers dans lequel il rend hommage à ses grands parents qui l'ont élevé, à la ville d'Antibes et à tout cet univers fantastique et monstrueux dans lequel il aimait se retrouver enfant. Et des références Petit Vampire en est rempli et c'est un vrai délice de croiser au fil du récit de tonnes de clin d'œil à la Hammer, Roger Corman, Nosferatu, Edward Munch, La créature du lac noir, La créature du marais, Gainsbourg, Lovecraft et même Miyazaki lorsque Petit Vampire prend son bain avec comme jouet l'hydravion de Porco Rosso. Petit Vampire est un film à la fois ludique et léger, un film le plus souvent amusant et drôle mais qui sait se aussi faire aérien et poétique pour un pur bonheur de 90 minutes.
Pour ma part je suis assez conquis et j'adopte volontiers Petit Vampire et toute sa joyeuse bande. Je crois que je vais très vite regarder les cinquante épisodes de la série et ensuite me plonger dans les BD de Joann Sfar tant j'ai envie de retrouver tout cet univers. Le film qui a malheureusement connu une exploitation tronquée en salles à cause de cette saloperie de virus mérite maintenant amplement de trouver son public par d'autres chemins.