Portraits des fillettes en jeu

Petite maman : le titre du nouveau film de Céline Sciamma peut paraître anodin alors qu'il dissimule une première subtilité, au regard de son thème. Après la flamboyance romanesque de Portrait de la jeune fille en feu, la réalisatrice semble bien modeste, a priori, avec cette histoire dont deux fillettes sont les héroïnes. Si ce n'est que s'y introduisent progressivement des éléments ludiques et magiques dans ce récit d'une grande douceur, conduit à hauteur d'enfant, sans la mièvrerie ou les clichés habituellement véhiculés par le genre. Petite maman répond à sa manière à la question que tout adulte ou presque s'est un jour posé : mais comment étaient mes parents quand ils étaient enfants, si tant est qu'ils l'aient été un jour ? Céline Sciamma cite Miyazaki parmi ses influences et il est vrai que son film aurait pu être un long-métrage d'animation, plus adapté à l'onirisme et aux voyages temporels. C'est tout le talent de la cinéaste que d'avoir réussi à installer un climat aussi surnaturel avec une simplicité désarmante. Deuil, transmission et enfance : ces thèmes sont abordés avec une élégance narrative qui fait merveille. Une pure prouesse rendue également possible par l'interprétation, avec le choix judicieux de faire jouer les rôles principaux à deux sœurs dans la vie. Leur naturel et leur complicité font plaisir à voir. Naissance des pieuvres, Tomboy, Bande de filles, Portrait de la jeune fille en feu, Petite maman : la filmographie de Céline Sciamma impose le respect, bientôt à la hauteur, si elle hausse encore son niveau, de celle d'une Jane Campion (un peu d'emballement ne fait pas de mal).