Vu une vingtaine ou une trentaine de fois, ce Peur sur la ville est, pour moi, un must. Grand fan de Bébel, j’avalais, gamin, tous les films de ma star favorite qui tournaient en boucle sur le magnétoscope familial. Peur sur la ville me filait les jetons avec Minos et son œil de verre, son début oppressant, la musique de Morricone, mais je trouvais l’ensemble palpitant et les cascades de mon idole fabuleuses. L’âge aidant, j’ai peu à peu compris que ce Peur sur la ville était un polar urbain à la française inspiré de ce qui faisait de l’autre côté de l’Atlantique (le flic qui n’en fait qu’à sa tête, le flic justicier, les courses-poursuites, la ville comme personnage, etc.), mais aussi un film inspiré des giallo (le cuir, le sadisme, le côté horrifique de l’ouverture, la musique de Morricone), un « whodunnit » et j’en passe.
Peur sur la ville est un film-somme qui rend hommage à tout ce qui se fait de mieux dans le cinéma policier de ces années 1970. Et tous ces hommages et références sont parfaitement dosés. Le « whodunnit » (dont je trouvais la révélation trop tôt, étant jeune) est parfaite pour ne pas faire de cet enjeu la clef du film. Ce giallo grand public sait jusqu’où il peut aller. Et le côté polar urbain à l’américaine n’a jamais été aussi réussi dans l’hexagone. Les poursuites sont remarquables, la plus impressionnante étant, en toute intelligence, placée au cœur du film et conduisant le commissaire à commettre une erreur. La partition de Morricone est divine. Les références à d’autres films sont de beaux hommages (au Baiser du tueur de Kubrick notamment lors de la poursuite dans les combles d’un immeuble avec ses mannequins).
Seule la dernière ligne droite est peut-être un peu en retrait. Le verbiage psychanalytique expliquant à la radio les motivations de Minos sont maladroites, trop démonstratives et peu convaincantes. Elles soulignent aussi que la personnalité de l’antagoniste manque certainement de profondeur. Le leurre du commissaire pour prendre Minos par surprise est également un peu grossier. Ces quelques réserves étant émises, il n’en demeure pas moins que Henri Verneuil n’a jamais touché de si près le savoir-faire américain et Bébel (avec le recul) est vraiment parfait dans ce film taillé pour lui.