Regarder un Bébél, c'est un peu comme un art de vivre; on sait que ce devrait être génial, et complètement décalé avec la production française que l'on connaît aujourd'hui, mais c'est un si grand dépaysement qu'on y fonce tête baissée. En même temps, c'est pas comme si je n'avais énuméré que de bonnes raisons pour se faire un bon petit Belmondo...
Car en soit, il n'est pas grand chose dans le cinéma de plus fendart que les comédies de l'artiste en question; avec lui, tu sais que tu vas prendre ton pied, que tu vas te taper un délire de malade mental, le genre que t'as vécu que dans ses films à lui. Alors imagine ce qui se passe quand il tourne dans un film policier, thriller qui plus est.
La patte Bébèl est toujours présente, heuresement; pour réussir le film, il ne faut pas priver la poule de ses oeufs. Cela, Francis Veber l'eut bien compris, alors qu'il en écrivait les dialogues : si l'on enlève à l'artiste le moyen de s'exprimer, ça va pas casser trois pattes à un canard. Belmondo s'en donne à coeur joie tout du Long; et vas y que j'te balance des répliques de folie, des réponses sanglantes, et des putains de punchlines qui rendraient Sly jaloux du bonhomme.
"Peur sur la ville" est donc un excellent film de la carrière de l'homme, quelque peu au dessus d'un "Morfalous", selon moi, mais bien en déça d'un "Week end à zuydcoote", réalisé par le même Verneuil qui nous pondit, bien des années plus tard, le film dont on parle aujourd'hui. Son travail s'avère, une nouvelle fois, de grande facture; les plans sont réfléchis, bien pensés et offrent une certaine personnalité à l'oeuvre, même si le résultat tourne rapidement à l'étallage de ce que le bonhomme pouvait faire en matière de cascades.
Des cascades d'ailleurs impressionnantes au point de parfois nous forcer à mettre la main devant la bouche, et pousser un grand cri de stupeur alors que notre cher ami casse-cou se laisse VOLONTAIREMENT d'un toit en pente pour se reprendre de JUSTESSE. Man, tu fais chier, à toujours vouloir nous en foutre plein la vue.
Bien loin du film bourrin auquel on pourrait s'attendre, et de la comédie lourdingue que l'affiche laisse penser qu'il est, le film n'a guère souffert de l'âge qui a passé, tant ses effets de mise en scène se révèlent efficaces, et la rhétorique de ses dialogues se montre terriblement jouissive. Y'a pas à dire, le cinéma français était sacrément bon, à l'époque.
Au niveau des acteurs, c'est de même niveau : outre un Belmondo toujours aussi impeccable et des seconds rôles savoureux ( Charles Denner et Jean-François Balmer se trouvant en tête de liste ), Adalberto Maria Merli est terriblement convaincant dans son rôle de psychopathe, avec son sourire carnassier et son faux oeil de verre ( le maquillage est excellent ).
A noter, également, un suspens fort bien géré, et une bonne bande-son. Un très bon Bébèl que voici, loin de la comédie, bien que similaire à ses rôles habituels de gros bad boy farceur, de flic déconneur. Je vous le conseille réellement si ce genre de cinéma ne vous ennuie guère, tant vous n'y trouverez aucune source d'ennui possible.