Quand on dit film culte rock, on pense le plus souvent au génial Rocky Horror Picture Show. Soit. Mais ce serait oublier bien vite qu'un an avant, un Brian De Palma pas encore auréolé du succès de "Carrie" avait mis en scène LE film culte par excellence. Volontairement kitsch, outrancier, baroque, décalé, drôle, les adjectifs ne manquent pas pour qualifier cette oeuvre folle, sans aucun doute la plus réussie du cinéaste, ici en pleine possession de ses moyens. Variation rock et déjantée du mythe de Faust tout autant que du "Portrait de Dorian Gray" et du "Fantôme de l'opéra", "Phantom of the Paradise" est l'archétype même du film qui a autant de fans que de détracteurs. Conçu à une époque dingue où l'on pouvait tout se permettre (ou presque), il est un concentré de fun et de pur plaisir pour ceux que le film touchera, monument à la gloire de la musique et de la création, passant sur à peu près tous les styles musicaux du moment (folk, glam rock, pop...) tout en montrant le monde du showbiz dans toute sa monstruosité, monumentale machine broyant les plus naïfs. Réalisé avec un talent fou et un sens du rythme exemplaire (l'utilisation du splitscreen n'a jamais été aussi pertinente), porté par une bande son du tonnerre de dieu composée par Paul Williams (également grandiose en pourriture intégrale) et par un casting impeccable (inoubliable William Finley en freak spolié et revanchard), s'achevant dans un final bouleversant à l'ambiance délicieusement païenne, "Phantom of the Paradise" est un opéra rock magistral et fascinant, d'où l'expression "culte" n'est ici à aucun moment galvaudée. Et c'est accessoirement mon film préféré.