Il est aujourd’hui bon de fustiger Hollywood comme une industrie qui se perd dans le recyclage et le fan-service comme si la pratique datait du mois d’octobre dernier. Cette nostalgie mélancolique du « c’était mieux avant » fut présente après l’âge d’or du cinéma classique américain dès les années 50. Phantom of the Paradise est une des œuvres qui témoigne de cette nostalgie symptomatique et générationnelle. Et pour cause De Palma pioche assidument dans l’œuvre d’Alfred Hitchcock et celles d’importants réalisateurs allemands des années 1920 (Robert Wiene, Friedrich Wilhelm Murnau).
Mais là où un Collin Treverrow, en qualité d’épigone et d’imbécile heureux singera plan par plan le film de Spielberg dans son Jurassic World en 2015, Brian de Palma lui, prendra la peine en 1974 de créer son propre style, son propre univers en plus d’inoculer des références littéraires et musicales variées. Nous sommes tout à fait conscients de ce dont il s’inspire mais il y apporte un regard neuf et surtout un point de vue novateur ; en atteste ces grands décors composés, ces images scindées et ces incrustations d’objets allusionnels.
Un disciple fier successeur est Brian De Palma, qui à l’image multiplie les points de vue, cadre les belles filles, les belles grimaces, les beaux gestes pour marquer son spectateur, l’entourlouper avec des images expressives et provocantes. Bien que Phantom of the Paradise ne se restreint pas aux effets de stimuli visuels : De Palma s’emploie à un double-jeu et se préoccupe par émulation du sens moral de son œuvre. Il se dévoile au travers de son protagoniste, au travers des dialogues, même si une fois démasqué cela devait le mener à sa perte, même si le public venait à ignorer ses desseins, ses rancœurs et ses dévouements [envers l’industrie et les producteurs].
Pour autant il peut être parfois difficile de se faire embarquer dans ce melting-pot des genres. Cette balade mentale et mémorielle du créateur apporte des séquences frénétiques dont certaines paraissent comme de véritables clips musicaux, et en sont moins des instants de cinéma. Une paire d’acteurs au moins apparaissent à l’écran de manière bien déséquilibrée, tel Gerrit Graham qui s’évapore d’une scène à l’autre. Regrettable. Phantom of the Paradise est ceci dit un film court ; 1h35 largement suffisantes pour un tel récit. Quand de nombreuses productions d’hier et d’aujourd’hui s’entêtent à tenir le format dogmatique des 120 minutes, et ce quoi qu’il en coûte.
Phantom of the Paradise est à ranger entre le chef d’œuvre Arizona Dream d’Emir Kusturica et Once Upon a time in Hollywood. Ces trois sont des films de cinéma qui parlent avec amour… De cinéma !