Phase IV est le reflet dans le miroir de 2001, l'odyssée de l'espace. Et pas uniquement pour la figure prépondérante du monolithe que l'on retrouve dans l'un et l'autre... A l'arrivée, les deux films ont des éléments de fond qui les rapprochent, et des différences notables qui les opposent.
S'ils se retrouvent sur le sens de la Création, Saul Bass choisit l'infiniment petit, quand Kubrick optait pour l'infiniment grand. Si l'un et l'autre s'accordent sur le fait que la source de tout sens et de toute vérité vient de quelque part, là-haut dans l'univers, la réponse - tout autant hermétique chez Bass que chez Kubrick - ne vient pas ici du cosmos... Elle était là, sous nos yeux, sans doute avant même le premier humain, et ce sont les fourmis qui en sont les gardiennes.
Côté formel, les images de Phase IV sont bluffantes pour ne pas dire révolutionnaires, comme l'étaient celles de 2001, mais dans un registre totalement différent. Le film réussit l'exploit de rendre actrices ses fourmis, à part entière, et au même titre que les six petits humains qui composent le casting. Et si on peut difficilement dire qu'aucun animal n'a été ici maltraité, on peut légitimement se demander comment Saul Bass et Ken Middleham, responsable des séquences avec les insectes, ont réussi leurs prises de vues tellement elles sont incroyables.
Saul Bass semble cependant plus à l'aise avec le rendu visuel qu'avec la direction d'acteur, qui ne semble pas l'intéresser en premier lieu. C'est assez logique venant du graphiste le plus célèbre de toute l'histoire du cinéma, auteur d'affiches et de génériques les plus illustres du 7ème art. Mais c'est sans doute sur ce point que le film pêche le plus : les rapports humains entre les trois protagonistes sont purement cosmétiques, et la direction d'acteur est faible. Le film parait en fait totalement déshumanisé.
Mais paradoxalement, cette faiblesse peut se voir aussi comme une force. Car à l'image de son intrigue qui ne développe que les trois premières phases, cette déshumanisation préfigure cette Phase IV éponyme qui marque l'issue de l'intrigue.