C’est marrant, ces grands mouvements de l’industrie du cinéma, essentiellement anglo-saxonne, totalement cycliques. Au cours des seules dix dernières années, après des vagues de scénarios originaux, d’adaptations de romans, puis de BD, on est depuis un an ou deux en plein dans le "d’après une histoire vraie", pour atteindre quoi ? 90% de la production ? J’exagère ?
J’imagine que d’ici l’année prochaine, on en recommencera la grande boucle, avec peut-être une ou deux variantes.


Irish couffin


A tel point que, oubliant l’origine du récit de ce nouveau film de Stephen Frears (vous savez, un de ces réalisateurs montagne russe, capable du meilleur et du pire ?) je me suis soudain demandé ce que signifiait le choix de faire du fils disparu un homosexuel. Puis soudain, je me souvenais que justement l’histoire était vraie, et qu’il n’y avait donc pas de choix.
Et c’est alors, quand un film est bon, qu’il est admirablement interprété et très justement écrit, que l’histoire vraie prend tout son sens et se justifie. Les détails curieux, les hasards de la vie, prennent un relief singulier justement parce qu’ils ne sont pas le résultat d’une décision.


Le coup de phil, anonyme


L’histoire est on ne peut plus simple: Philomena, ayant fauté à 14 ans alors qu’elle n’était encore qu’en jeune irlandaise insouciante, se voit placée chez des sœurs qui, lorsque le fruit du péché atteint l’âge de 2 ans et demi, s’empressent de vendre l’enfant à de riches américains.
Devenue vieille, un soir d’anniversaire de l’enfant perdu, Philomena déprime et parle enfin à sa fille de ce demi-frère inconnu. Cette dernière contacte un journaliste en pleine perte de repère qui va se charger d’aider la vieille dame à retrouver son fils, après presque 50 ans de manque.


On se rappelle alors à quel point un grand acteur est stupéfiant. Judy Dench, femme froide et implacable à la tête du MI6 depuis quelques Bond, se transforme ici en dame fragile et complexe, à la fois désemparée et prête à affronter un monde qui ne ressemble à rien de ce qu’elle connait dans sa petite existence de retraitée.


De Phil en aiguille


Et du coup, l’émotion surgit de cette somme de cette multitude de détails qui font sens. Philomène n’est pas raciste mais juste ignorante des réalités extérieures (les kidnappings mexicains, par exemple), par contre l’homosexualité lui est parfaitement familière puisqu’elle a été infirmière pendant 30 ans.
A l’inverse, sa profonde culture catholique, dont elle pourrait et devrait vouloir se défaire, lui permettra de pardonner, ce que ne pourra pas faire le journaliste, lui aussi très justement campé par Steve Coogan.
Une scène de "résolution" absolument parfaite, tant la complexité de chacun est parfaitement préservée, soulignant la qualité d’écriture du scénario, tiré du livre du journaliste que joue Coogan, et que l’acteur a partiellement écrit.


Frears continue donc à alterner le pire et le meilleur, et heureusement, le pire, c’était le coup d’avant.

Créée

le 25 mai 2014

Critique lue 1.4K fois

46 j'aime

11 commentaires

guyness

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

46
11

D'autres avis sur Philomena

Philomena
Grard-Rocher
10

Critique de Philomena par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le drame se déroule en 1952 dans la très pudibonde Irlande. Une jeune fille, Philomena Lee, rencontre par hasard un jeune homme dont elle tombe immédiatement amoureuse. Malgré les "convenances" de...

43 j'aime

19

Philomena
zoooran
8

À la recherche du temps perdu.

Philomena, jeune femme s'étant fait arracher son enfant à la naissance car elle était au couvent décide, 50 ans après, de se mettre à sa recherche, en Irlande puis aux États-Unis, avec l'aide d'un...

le 8 janv. 2014

29 j'aime

5

Philomena
-Marc-
7

Ah, les salopes!

Philomena est un drame humain qui nous amène tout en finesse sur le thème des extrémismes religieux et de l'intolérance. Philomena a connu l'amour à 14 ans. Enceinte, elle a été confiée aux sœurs du...

le 29 janv. 2015

20 j'aime

2

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

344 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

318 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

299 j'aime

141