Philosophale par Wykydtron IV
Il existe un film qui réunit tout le gratin du cinéma français, à savoir Michaël Youn, Ticky Holgado, Laure Sainclair, Jean-Marie Bigard, Mouss Diouf, Jean-Claude Dreyfuss, Yves Rénier, Dieudonné, et Sami Nacéri (quoique pour ce dernier, je suis incertain, ne l'ayant pas repéré). Il y aurait même Philippe Candeloro parmi eux.
Ce film se nomme Philosophale, il est réalisé par un certain Farid Fedjer, dont la seule autre réalisation, tout comme celle qui nous intéresse ici, n'a jamais été présentée au public.
Philosophale est quasiment introuvable, et je n'en aurais sûrement jamais entendu parler si un extrait n'avait pas été projeté à la dernière Nuit excentrique organisée par Nanarland à la Cinémathèque française.
Cet extrait présentait deux nains, dont un armé d'une machette et qui prétendait qu'il allait devenir premier ministre, qui s'insultaient à coup de "fils de pute !". Ils se battaient ensuite, avant d'être séparés par un homme de taille ordinaire (Dieudonné, il faut croire), qui s'en prenait violemment à l'un d'eux, lui envoyant ses coups de pieds et de poings dans la figure.
J'ignorais jusque là quel était le casting incroyable du film, mais je mourrais déjà d'envie de le voir.
Avec des noms pareils au générique, comment ce film, même en l'absence de sortie au cinéma, a pu passer inaperçu ?
Mais cette interrogation laisse place à une autre plus importante encore : comment Farid Fedjer, qui avait jusque là tenu seulement quelques petits rôles au cinéma ou à la télévision, a convaincu ces acteurs de jouer dans son film ? A-t-il un don de persuasion phénoménal ? Car ce n'est sûrement pas son scénario qui a joué en sa faveur.
Le spectateur sait à quoi s’en tenir en voyant que, dès le carton ouvrant le film, il y a des fautes d’orthographes.
Ca se poursuit dans les fiches des personnages qui apparaissent à l’écran : un personnage est ainsi surnommé "Le naim". Un autre s’appelle Cacapopovitch, une autre "Trois pines à genoux". La genèse des personnages relève encore plus du gag improbable : l’un des méchants est un "ex-travello" devenu nazi après une sodomie s’étant mal passé avec un client congolais ; une criminelle est une ancienne institutrice violée par sa classe de CE1 ; et un autre personnage encore aurait quitté l’Afghanistan en Solex en compagnie du Mollah Omar. Est-ce que le réalisateur, une fois en post-prod, conscient qu’il ne pouvait plus rien faire pour sauver son œuvre, a essayé d’ajouter une touche comique avec ces fiches, à l’insu des acteurs ?
L’un des personnages féminins est décrit comme "une pétasse à la fesse accueillante", mais qui "en a dans le cigare" ; comment peut-on présenter un rôle pareil à une actrice ?
Pourtant, on ne peut douter que les acteurs savaient dans quoi ils jouaient, étant donné la teneur des dialogues qu’ils récitent et de certaines scènes qu’ils jouent.
Les acteurs étaient forcément au courant du caractère dégradant de leurs rôles, si ce n’est en pré-production, au moins au tournage : l’un des nombreux nains du film est régulièrement traité de nabot, ou de "petite merde informe/infâme" (impossible d’être sûr, la voix de son interlocuteur est modifiée, et on ne comprend pas grand-chose), et ce sans que l’on ait recours au champ-contrechamp qui pourrait permettre, grâce au montage, de faire dire ce qu’on veut à son interlocuteur.
Le plus fou, c’est de voir Mouss Diouf se masturber devant des photos de girafes qui copulent. Comment en est-il arrivé là ? Le réalisateur retenait-il ses enfants en otages ? Ou l’a-t-il convaincu de la profondeur insoupçonnée du personnage ?
Ce n’est sûrement pas pour l’argent qu’il s’est abaissé à ce niveau, étant donné que Philosophale est clairement fauché : esthétique inexistante, et décors constitués pour beaucoup de sous-sols, garages ou entrepôts désaffectés. Il y a même une salle où l’on peut voir, étrangement, un poster d’Henri Dès ; mais le plus bizarre demeure cette laverie qui a pu être mobilisée pour une scène… de viol. En pleine journée. Avec les vitres permettant à n’importe qui de voir ce qui se passe à l’intérieur.
Michaël Youn, lui, il a beau apparaître brièvement dans le film, il semble se foutre complètement de ce qu’il fait, voire chercher à se moquer de son rôle, étant donné qu’il cabotine dans des proportions attribuables seulement à quelqu’un qui cherche à mal faire.
Difficile à croire, mais Bigard est sûrement le meilleur acteur du film. Le réalisateur a par ailleurs eu l’idée de génie de le faire jouer un musulman.
Philosophale ressemble beaucoup à un délire d’ado, avec ses bagarres et ses fusillades qui surviennent sans qu’il n’y ait aucun sens, ses effets de zoom bref à chaque fois qu’il y a un coup de poing, ses ralentis et ses accélérés abusifs, sa scène de sexe qui arrive comme un cheveu sur la soupe, ses personnages qui apparaissent une seule fois pour ne plus jamais être revus ensuite, et ses dialogues débiles et vulgaires à l’extrême. "Quand t’auras sucé mon jonc pendant 30 jours, tu prieras pour de la quéquette", "tu veux la goûter, salope ? Elle est à l’anis", "toi la pute tu fermes ta chatte", "arrête, je vais décharger dans mon pansement", etc.
Le scénario mêle une histoire de recherche de la pierre philosophale avec une lutte contre un nazi qui veut donner naissance au 4ème reich ; c’est incompréhensible, mais je ne peux pas dire avoir fait beaucoup d’efforts non plus.
Il n’y a rien à comprendre parfois ; entre deux transitions qui séparent des séquences (toujours la même transition, à savoir le passage d’une case de BD à une autre), il y a vers le milieu du film une scène où l’on voit simplement un homme qui se ballade nu en pleine rue.
Philosophale est un OVNI de bout en bout, qui pendant presque une heure et demie soulève comme question "comment est-ce que ce truc peut exister ?".
Jusqu’au dernier instant, le film se montre médiocre, puisqu’en guise de générique nous avons droit à un écran noir qui dure le temps que la musique de la séquence finale s’achève.
PS : Merci jM_ach