Il fût un temps où, aux côtés de Gremlins, Retour vers le Futur, S.O.S Fantômes, E.T, Jurassic Park et autres Terminator 2, trônait fièrement la VHS usée de Piège de Cristal sur les étagères des enfnants nés dans les années 80. Culte au même titre que les autres films sus-cités, le film est pour eux un monument intouchable: on l'a tellement vu et revu que toute objectivité est fortuite. Mais on se doit de reconnaitre que ce film là a quelque chose de spécial: inventeur du blockbuster intelligent malgré lui, c'est un thriller violent et drôle qui ne perd pas de sa pertinence.
Pourquoi? déjà, il y a Bruce Willis. Pas encore très connu à l'époque, il crève l'écran en trainant son air bougon de flic qui est là par erreur. Un peu comme nous, en fait: pas sûr qu'on souhaitait regarder ce film au premier abord, mais on a pas le choix, on va faire équipe avec lui. Il râle, il sent mauvais, il fume et fait des blagues sarcastiques: bref, c'est notre pote. Et Bruce va nous servir d'exutoire, de catharsis: tel le Christ sur le chemin de Croix, il portera les stigmates de son aventure, finissant sale et recouvert de sang. Un héros qui mouille sa chemise contre des terroristes hyper organisés et radicaux. Incarné par le grand Alan Rickman, Hans Gruber est le chef des bandits, l'antagoniste de John McClane. C'est l'un des méchants les plus mémorables de l'histoire du cinéma, et comme le disait Alfred Hitchcock, il participe grandement à la réussite du film. Quoi d'autre? la mise en scène est une leçon de cinéma à suspense, réinventant le thriller mixé à la comédie. La violence très graphique, largement inspiré du cinéma de Hong Kong, a clairement marqué le jeune Tarantino qui ne s'y trompera pas des années plus tard en castant Bruce Willis pour son Pulp Fiction. Le film est important car il pose les bases d'un cinéma de divertissement bien conçu et bien écrit.
Il impose une vision de l'Amérique qui a besoin de revisiter ses propres mythes: Bruce Willis n'est rien d'autre que le sherif qui va faire le ménage en ville. Ce besoin de justice et de violence vicérale, purement américain, a façonné une image puissante des USA et durable pour toute une génération spectateurs de ces films. C'est un film tel qu'on ne peut plus en faire aujourd'hui car il est complètement en accord avec son contexte - aujourd'hui, l'Amérique vit dans l'illusion qu'ils peuvent faire renaitre cette énergie, mais ils se trompent - l'énergie qu'avait les studios a l'epoque n'existe plus, il faut aller la chercher ailleurs.