Adapté d'une comédie policière, ce qu'on appelle une "murder party", Piège mortel est un film à prendre par son début, en ne ratant ni les premières minutes, ni les dernières, tant l'habileté des retournements de situation est prépondérante. Cinéaste mais aussi homme de théâtre (après tout, son premier film fut 12 hommes en colère), Sidney Lumet a respecté l'esprit de la pièce avec décor unique, huis-clos, dialogue brillant, rebondissements et coups de théâtre à profusion, tout ici respire la scène.
De fait, on ne sait pas parfois par quel bout prendre ce film tant ces rebondissements, fausses pistes qui se révèlent vraies, nous mènent dans des labyrinthes, et tant le changement des personnages est fréquent, si bien qu'à chaque fois que l'on croit pouvoir anticiper l'action, celle-ci opère un retournement surprenant.
Humoristique mais noir, avec un soupçon de ton british, le sujet par sa complexité et ses imbrications, ne pouvait que passionner Lumet, et l'on ne s'étonnera pas de faire un rapprochement avec le Limier de Mankiewicz, car beaucoup de choses les rapprochent, et pas seulement parce qu'on trouve ici Michael Caine, mais aussi parce que la qualité de l'interprétation qui tourne entre 3 acteurs principaux (Caine, Reeve et Cannon), les rapports des 2 personnages incarnés par Caine et Reeve, et le rythme donné par la mise en scène, permettent à Lumet d'échapper aux pièges du théâtre filmé, malgré ce décor unique très théâtral.
Comparé à ses meilleurs films et à celui de Mankiewicz, celui-ci ne se réduit pas seulement à un brillant exercice de style, on marche à fond dans cette séduisante intrigue psycho-criminelle tant c'est bien mené, il lui manque juste la dimension qui faisait du Limier un chef-d'oeuvre.