Vous êtes pas subversif si vous faites exactement ce que vous critiquez...

Ce film étant particulièrement naze, surtout par rapport au premier (que j'ai vu la veille), je vais pas me prendre la tête à structurer ma critique, je vais juste dire ce qui va et ce qui va pas.

Ce qui va.

L'animation des animaux est toujours aussi bien, Rose Byrne et Domhnall Gleeson sont toujours aussi doués dans leur rôle et la photographie et la mise en scène sont réussies et dynamiques. Une bonne partie du cast doublage a remis le couvert (pas Daisy Ridley malheureusement, alors qu'elle était hilarante dans le premier, mais tous les autres lapins et les autres animaux ont conservé leur interprète, Margot Robbie étant à nouveau narratrice).

Ce qui va pas ? Tout le reste.

L'un des problèmes les plus récurrents de ce film est qu'il s'oppose aux grosses productions hollywoodiennes dont, de fait, il est supposé faire partie, en reproduisant pourtant exactement le même modèle. L'un des adversaires revendiqués de ce Peter Rabbit 2 (revendication qui est suicidaire étant donné la force de frappe dudit adversaire) est Disney, rien que ça, auquel ce présent film reproche sans aucune subtilité de dénaturer les histoires à des fins mercantiles et capitalistes (c'est toute l'intrique autour de Bea, de son livre Peter Rabbit et du nouveau personnage humain qu'on a repéré au bout de deux secondes comme étant l'antagoniste parce que... ben c'est le nouveau personnage humain.), en prenant l'exemple de Winnie l'Ourson, mais qui pourrait aussi s'appliquer à Mary Poppins. La critique sous-jacente à ce propos étant que Disney, ce diabolique studio décidé à faire du fric sur tout et n'importe quoi, transforme les animaux mignons en héros de SF décérébrée en les mettant sur des plages (coucou Stitch) ou dans l'espace (coucou Sti... encore toi ? Bon bah coucou La planète au trésor alors).
Sauf que...
Ben...
Peter Rabbit 2, c'est l'adaptation très libre d'un récit qui avait déjà son adaptation, très juste de surcroît (ça s'appelait Peter Rabbit et oh bah tiens, c'est le film qui précède celui-ci, la vie est bien faite !), et c'est surtout une adaptation qui transforme des animaux mignons en héros d'aventure rocambolesque, avec rebondissements dans l'eau, dans un avion, en parachute et même à la montagne. Du coup je vois pas l'intérêt d'émettre une critique fondée à l'égard de Disney si c'est pour reproduire les mêmes âneries derrière, c'est à peu près le meilleur moyen de réduire à néant la critique initiale.

Bref, non content de taper à côté pour ce qui est de la critique de fond, Peter Rabbit 2 photocopie aussi allègrement son adversaire désigné, avec un héros qui s'encanaille en errant dans les rues, façon La belle et le Clochard : L'appel de la rue - en ajoutant au passage une équipe d'animaux des rues qui rêveraient d'être les 11 d'Ocean, mais qu'on repère très vite comme des roublards indignes de confiance - héros qui décide de porter en étendard la réputation (infondée) de fauteur de troubles qu'on lui colle sans cesse, comme Nick Wilde dans Zootopia.
Je continue ou ça suffit ?

Bon, ajoutons à tout ceci des critiques sur le film en lui-même : sa bande-son sert l'action avec justesse, mais ça la rend oubliable, parce que dans une séquence d'action, ton attention est, justement, trop accaparée par l'action pour apprécier la mélodie derrière, le personnage de Domhnall Gleeson, s'il est bien joué, est ici un peu perdu entre l'intrigue de Peter et celle de Bea, la majorité des gags tombent à plat parce qu'ils ont perdu la spontanéité du premier film (notamment autour du personnage déjanté interprété avec beaucoup de talent par Daisy Ridley, je vais y revenir), et puis le plus visible par rapport au premier film... les autres lapins ne servent à rien.

Benjamin, le cousin, est quasiment un figurant, et Peter Rabbit 2 démolit complètement la dynamique que le premier film avait construite entre les trois sœurs du lapin éponyme (j'avais dit que j'allais y revenir).

Dans Peter Rabbit, on avait en gros Mopsy l'aînée un peu bossy (doublée par Elizabeth Debicki), Flopsy la sage qui essaie de s'affirmer (celle de Margot Robbie qui zozotait de manière très mignonne pour parler lapin) et Cottontail l'adorable déjantée de Daisy Ridley. Ici, Cottontail est devenue une accro au sucre, Flopsy est devenue un peu excentrique (elle passe le film à expliquer qu'elle préfère qu'on l'appelle Toilettes pour qu'on ne la confonde plus avec Mopsy, alors que c'est sa sœur en pleine crise de glycémie qui s'est cognée contre un écriteau de toilettes dans un train), et Mopsy.... quasiment invisible, elle ne dit presque rien.

Bref, si vous additionnez tous ces problèmes, une écriture à la fois décousue (Bea et les lapins n'interagissent à peu près jamais, les deux intrigues ne se rejoignent à aucun moment) et prévisible, des critiques virulentes mais totalement dénuées de consistance à l'égard des majors hollywoodiens dont le film fait lui-même partie, l'abandon de tout ce qui faisait le charme du premier (l'individualité des lapins et des gags spontanés) et une bête reproduction de la scène des pièges façon Maman j'ai raté l'avion, mais sur un marché fermier en pleine ville, bah vous obtenez... une suite désastreuse et oubliable à un film qui n'avait vraiment pas besoin d'en avoir une.

Mais vu que c'est la politique habituelle des studios, je suppose que c'est pas surprenant qu'elle ait vu le jour.