Deuil au monde
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le 6 nov. 2021
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Il paraitrait qu’il y a un peu de l’homme dans le cochon, et un peu du cochon dans l’homme, et cela au point qu’on puisse aujourd’hui prendre un peu de cœur de l’un pour le greffer à l’autre.
Voilà le genre d’analogie que semble vouloir nous livrer Michael Sarnoski avec son intrigant Pig.
L’homme-porc, il tient d’abord en ce personnage de Robin – campé par un Nicolas Cage visiblement toujours en manque d’exotisme – et dont la présentation relèverait presque du grotesque tant elle flirte en permanence avec la limite de la sur-démonstration.
Homme rustre, sale et puant, Robin aime sentir la truffe et ne parler qu’avec ses semblables, lesquels grognent et marchent à quatre pattes plutôt qu’hurler de la musique classique en roulant sur quatre roues.
Le trait est d’ailleurs tellement appuyé qu’au moment où le film se décide à lancer son intrigue que je me suis demandé si, en fin de compte, le vrai homme-porc de l’histoire n’était pas ce Sarnoski, lequel avait l'air de se foutre de nous en dissimulant derrière un style d’auteur indé sa vraie nature de faiseur de série B johnwickesque.
Seulement voilà, quand bien même ce Pig ne quittera jamais vraiment cette étrange ambigüité qui le fait régulièrement border la farce absurde, qu’il ne manque malgré tout pas l'occasion de développer une subtilité presque inattendue.
Soudain, le porc sniffeur de truffe ne se réduit plus qu’au seul Robin, puisqu’en fin de compte tous dans ce film se mettent à grogner facilement du pif sitôt leur met-on un produit comestible sous le nez.
Du négociant en Camaro au chef étoilé en passant par la boulangère du coin, tous ne se réduisent plus qu’à des gros tas de viande qui nous mangent dans la main pour peu qu’on sache les amadouer avec des produits frais.
Et de là apparait progressivement sous nos yeux un spectacle bien singulier.
Au final le film semble chercher à nous rappeler que oui, chaque humain n’est qu’un porc en puissance et qu’au fond c’est ce qu’il a de meilleur en lui.
Car au fond un porc ne malmène pas ses semblables. Il ne cherche pas à déconstruire et à dénaturer ce qu’il aime tant à l’état brut. Et il suffit d’ailleurs qu’on remette sous le grouin du pire des hommes une jolie truffe pour que celle-ci réveille soudain sa nature profonde et qu'il s’en émeuve, se mette à pleurer, et devienne beau.
Dans ce Pig, l’homme n’est jamais plus beau que lorsqu’il se saisit d’une bonne baguette comme d’un respectable sceptre ou quand il réclame une pâtisserie supplémentaire afin de mieux la donner et ainsi transmettre un goût, une odeur et un plaisir.
L’homme sait être beau en porc, en tout cas bien plus beau que lorsqu’il paye pour juste taper de la viande ou se parer d’un tablier de verbiage dans l’espoir de tromper le monde.
Il est bien plus tendre et plus vrai quand il coupe cette radio qui lui explique ce qui est meilleur parce que savant.
Il est enfin bien plus vrai quand il se rappelle à ce tas de viande qu’il est ; un tas de viande voué à mourir un jour et qui au fond n’aura su trouver que comme seuls moments d’allégresse ces rares instants où il a su s’extasier d’une truffe tout en le partageant avec l’être aimé.
Alors oui, il est vrai que jusqu’au bout Pig côtoiera toujours de près la blague absurde ; une limite face à laquelle on serait en droit d’entretenir un certain malaise.
Malaise de l’absurdité forcément. Malaise face au manque de noblesse. Malaise par rapport à la démarche simple et basique.
Mais au fond, toutes les raisons qui nous poussent à trouver ce film malaisant sont aussi les mêmes qui font que l’ancien commis de Robin est ridicule, qu'Amir nous apparaît comme factice, que Darius semble absurde.
Le malaise tient au fond du fait qu’on attendrait de Pig qu’il sache s’armer d’un tablier de verbiage et d’un sourire falot pour mieux nous convaincre que ce qu’on était en train de consommer avait un sens et une utilité mondaine…
…Alors que – comme le dit si bien Robin – le consommateur n’est pas réel.
La critique n’est pas réelle.
Seul compte ce qu’on aime, quand bien même est-ce un pub miteux peu rémunérateur, une baguette pétrie avec amour ou une truffe au fond des bois.
Car tout ces éléments parlent vraiment à ce qu’il y a de réel en nous …
…Ce cochon qui a tellement de cœur qu’il faut parfois qu’on s’en greffe un bout.
Et Pig est ainsi fait. Il est ce cinéma qui entend parler à notre porcinité qui sommeille.
Ce cinéma qui nous invite à reconsidérer les truffes pour ce qu’elles sont : des merveilles…
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le 7 nov. 2021
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