C'est une plongée brutale dans le monde interlope de Pigalle, débarrassé de sa séduction coquine, de sa touristique et emblématique représentation du Paris by night. Ce sont les figures anonymes et quotidiennes de Pigalle que Karim Dridi met en scène, des personnages englués dans la réalité de la drogue, de la violence et de la sexualité dégradante. Ce microcosme où chacun vit, dont chacun vit, est celui de la laideur et de la déchéance humaines car, bien évidemment, l'attention que le réalisateur porte aux paumés qu'il met en scène est à considérer d'un point de vue humain et non pas moral.
Son film se situe à mi-chemin entre le documentaire et la fiction; quelques protagonistes, comme figurant la "famille" de Pigalle nous entrainent dans une vague intrigue sans réel intérêt sinon qu'elle nous guide à travers les lieux de Pigalle, plus lamentablement réalistes que pittoresques. Si, d'une certaine façon, le sujet contraint le spectateur au voyeurisme, Dridi parvient à restituer l'atmosphère glauque de Pigalle sans recourir abusivement et complaisamment à des images percutantes. Il tente de faire percevoir ce quartier parisien comme une verrue, un endroit sordide replié sur lui-même et dont on ne s'échappe pas facilement.