Le premier long-métrage d'animation des studios Disney ayant connu un colossal succès, critique comme public, il est donc décidé de poursuivre dans cette voie, en adaptant cette fois le classique de Collodi, le projet étant nanti d'un budget record de plus de deux millions de dollars. Considéré désormais comme une date dans l'histoire du cinéma d'animation et comme LE plus grands Disney de tous les temps, "Pinocchio" sera une déception financière à sa sortie, la faute principalement au second conflit mondial. Le film ne sortira d'ailleurs en France qu'en 1946.
Tout en conservant l'essence même du conte originel, ainsi que sa morale (un brin moins sentencieuse toutefois), le "Pinocchio" de Disney prend ses distances avec le matériau de base, se conforme davantage à l'esprit de son créateur, voir même s'américanise selon ses détracteurs.
Si l'on perd malheureusement le ton décalé cher à Collodi, le récit est ici plus resserré, élagué, plus rythmé aussi, les scénaristes, au bout d'un travail acharné sans cesse réajusté, étant parvenus à conserver le meilleur du conte initial, ses moments les plus forts, les plus intenses. Les personnages gagnent également en émotion, en sympathie, Pinocchio devenant enfin attachant là où il était franchement antipathique chez Collodi. Même chose pour le grillon Jeminy Cricket, conscience du héros qui ne faisait pas long feu à la base mais qui devient ici un des seconds rôles les plus marquants de tout l'univers Disney.
Bien que remis à la sauce Disney, "Pinocchio" conserve heureusement toute sa noirceur et sa cruauté, le film regorgeant de séquences et de protagonistes traumatisants, qu'il s'agisse du gitan Stromboli, de la métamorphose des gamins en ânes ou bien encore de la redoutable baleine Monstro. Des images fortes bénéficiant d'une facture technique à couper le souffle, les magiciens du studio poussant les codes de l'animation à leur paroxysme, en témoigne des mouvements de caméra révolutionnaires pour l'époque.
N'étant clairement pas fan du "Pinocchio" de Collodi (longuet et limite réac), cette adaptation est pourtant ma préférée parmi tout le catalogue Disney. Tout simplement parce qu'elle traduit à merveille toute la magie de l'enfance, qu'elle navigue sans cesse entre merveilleux et gentils frissons, et qu'elle est formellement à tomber à la renverse.