Adapté de nombreuses fois au théâtre, au cinéma et à la télévision, le roman Les aventures de Pinocchio de Carlo Collodi obsède Matteo Garrone depuis plus de quarante ans. "Des traces de Pinocchio, peut-être même inconsciemment, sont présentes dans tous mes films", a-t-il même constaté. Après l’inégal Tale of tales, Garrone revient donc au conte fantastique, abandonnant ici la violence de ses autres films ancré dans un réalisme cru et contemporain. De cet attachement visiblement viscéral à l’œuvre de Collodi, Garrone en a livré une adaptation scrupuleusement fidèle qui, certes, rend un bel hommage à la fantaisie et à la plume de Collodi, mais laisse complètement de marbre.
Trop sombre pour les enfants (voire effrayant par instants) mais pas assez captivant pour les adultes, Garrone peine constamment à trouver un ton juste, à l’image d’un film traversé d’autant de fulgurances (des partis pris esthétiques insolites) que de ratés (rythme bancal, scènes maladroites ou élans comiques qui tombent à plat). C’est donc sur la forme que Garrone marque des points. Bannissant, dès qu’il en a l’occasion, effets digitaux et autres fonds verts indigestes, il privilégie une sorte de retour aux sources, de charme à l’ancienne qui aurait mixé la poésie baroque de Fellini et de Topor à celle, plus archaïque dans sa vision d’une Italie rurale et truculente, de Pasolini quand il adapta lui aussi quelques contes célèbres pour sa Trilogie de la vie.
Il a également préservé la relative noirceur du récit, n’escamotant jamais ses à-côtés les plus austères : pauvreté, famine et un Pinocchio sans cesse malmené (brûlé, enfermé, pendu, noyé, vendu, transformé en bourriquet…). Il n’oublie pas bien sûr le principal, l’histoire de ce petit garçon pas comme les autres qui a soif de découverte du monde et apprendra, lors de son incroyable périple, la droiture, le respect et le courage. Mais il manque un vrai grain de folie à l’ensemble et tout, images comme ambiance comme scénario, se retrouve du début à la fin figé dans cette volonté de respecter à la lettre le texte de Collodi.
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