Le cinéphile un brin péteux que je suis parfois appréhende chaque nouvelle découverte avec l'enthousiasme d'un randonneur assoiffé face à la Coulée du Grand Bronze, persuadé de n'assister qu'à un spectacle au mieux sympathique, au pire sans intérêt. Heureusement, certaines oeuvres viennent de temps en temps me remettre à ma place avec un bonne tarte dans la face, comme c'est le cas aujourd'hui avec "Pique-nique à Hanging Rock", long-métrage australien de Peter Weir qui avait échappé à ma cinéphagie galopante à cause de mon aversion pour le drame en costume.
Adaptant le roman de Joan Lindsay, Weir pervertie le genre du "film tiré de faits réels" en l'abordant comme un conte cruel initiatique presque païen, confrontant la société moderne à la nature la plus sauvage, la fragilité de ses frêles héroïnes à un milieu hostile et dangereux, les conventions à l'esprit de liberté propre à la jeunesse.
Peignant des tableaux de toute beauté grâce à la superbe photographie de Russell Boyd et de John Seale, rendant toute sa magnificence aux paysages australiens, Weir signe une oeuvre inclassable et envoûtante, à l'atmosphère à la fois vaporeuse et inconfortable, à la lisière de l'étrange et du surnaturel, compensant quelques longueurs par une délicatesse et une poésie de chaque instant, magnifiée par la partition de Bruce Smeaton.
Dieu que ça fait du bien de se prendre une claque de temps en temps !