Piranhas
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Film de Joe Dante (1978)

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« I'm looking for two teenagers that disappeared a few weeks ago. » MAGGIE MCKEOWN

Après le faramineux succès de Jaws, les producteurs du monde entier tentent de renouveler la recette de la bestiole agressive sur grand écran. Pendant que les requins, ours, araignées, barracudas et autres bestioles se voient exploitées selon la formule de Steven Spielberg, Jeff Schechtman a l'idée de s'intéresser aux piranhas. Bien que travaillant pour la Warner Bros., il développe ce projet de son côté avec le scénariste Richard Robinson. Mais Jeff Schechtman devient aussi le partenaire de Chako van Leeuwen, ancienne actrice japonaise délocalisée aux Etats-Unis pour y apprendre les ficelles de la production et qui va porter le projet par l'entremise de sa société Chako Film Co. De manière à financer complètement le film, Jeff Schechtman et Chako van Leeuwen se tournent vers Roger Corman.

Le célèbre producteur de série B entrevoit les opportunités de distribution d'un tel métrage et ce même si le souvenir de Jaws commence à s'estomper trois ans après son succès dans les salles.

Bien que disposant d'un scénario, Roger Comman fera réécrire son film de piranhas par un débutant du nom de John Sayles qui tente de percer, à ce moment là, dans le milieu du cinéma. John Sayles s’empare donc du scénario de Richard Robinson, l’expurge des situations ridicules qui l’émaillent et repart quasiment à zéro.

John Sayles reprend en effet grossièrement les éléments qui en forment la trame narrative, à savoir une menace sous-marine, un lieu peuplé de proies potentielles, un ou des responsables véreux plus concernés par les recettes du tourisme que par la sécurité des baigneurs, mais il assaisonne le tout des ingrédients essentiels à tout film d’exploitation qui se respecte : de la nudité, de la violence, ainsi que toute une série de situations récurrentes dans ce genre de films. Enfin, désireux d’introduire un message politique, le traumatisme de la guerre du Vietnam est toujours bien présent, le scénariste réadapte le vieux thème du savant fou, ici incarné par l’armée américaine : celle-ci, sous le nom de code Razorteeth, a en effet commandité des recherches afin de mettre au point des poissons tueurs particulièrement résistants et agressifs destinés à être lâchés dans les rivières vietnamiennes.

La réalisation est confiée à Joe Dante qui a commencé sa carrière chez la New World Pictures de Roger Corman en montant des films et surtout des bandes-annonces. Ayant mis en scène Hollywood Boulevard, son premier film pour Roger Corman, ce dernier lui confie son film de piranhas avec des moyens dérisoires et avec un seul mois de tournage. 

Joe Dante relève le défi et Piranha sort dans les temps en 1978. 

Les studios Universal, qui au même moment tournaient Jaws 2, ont menacé d'interdire la sortie de Piranha dans les salles. C'est Steven Spielberg lui-même qui a convaincu les studios Universal que le film de Joe Dante ne constituait en rien une menace.

Un film comme celui-ci ne serait rien sans ses véritables vedettes : les piranhas. Joe Dante et Roger Corman engagent pour leur donner vie une équipe menée par deux talentueux techniciens des effets spéciaux : Phil Tippett et Rob Bottin. Les deux hommes ne se sont pas encore fait un nom et la réputation qu’on leur connaît, mais ils ont déjà les idées et le talent. Le premier est passionné de stop-motion depuis qu’il a vu à sept ans le travail de Ray Harryhausen. Le second, passionné de monstres depuis sa plus tendre enfance, travaille depuis quelques années avec le grand Rick Baker. Mais pour l’heure, le challenge est de donner vie à une meute aquatique carnivore ; et l’équipe ne ménage pas ses efforts, investissant une piscine olympique pour y faire essai sur essai. Toutes les techniques y passent : poissons mécaniques, marionnettes, câbles... Et ils envisagent même l’animation image par image avant de trouver la solution : les attaques de poissons seront filmées à 8 images par secondes avec des piranhas en caoutchouc. Joe Dante et Phil Tippett ne pourront s’empêcher d’insérer dans le film une créature en stop-motion pour leur propre plaisir : le petit animal bipède qui se cache dans le laboratoire.

Comme souvent avec Roger Corman, le budget est limité, mais la liberté est totale. Pour autant que le film soit suffisamment attractif et rentable, Corman fait entièrement confiance à ses collaborateurs. John Sayles et Joe Dante s’en donnent ainsi à cœur joie et ne se refusent rien, car si message politique il y a, de nombreux éléments du film font plutôt dans le politiquement incorrect. Ainsi, les poissons n’hésitent-ils pas à s’attaquer aux enfants et, peut-être pire encore, la solution à la menace aquatique passera par une pollution complète et destructrice des eaux. D’un côté on dénonce l’armée irresponsable et inconsciente, et de l’autre on n’hésite pas à joyeusement polluer tout un lac et une rivière... Soignons le mal par le mal.

Passons sur certaines facilités scénaristiques qui veulent par exemple que le colonel ait justement des intérêts dans le centre nautique : le film se veut divertissant et décomplexé, il l’est, et c’est sans doute de là que vient son succès, parce que si la réalisation est nettement au-dessus de la moyenne de ce genre de films quand elle essaie de faire autre chose que de l’exploitation, si l’interprétation est sans faille, certains passages plus creux et certaines faiblesses du scénario seraient par ailleurs excessivement mal passés si le film avait eu l’ambition d’être un nouveau Jaws. Le montage en grande partie assuré par Joe Dante est par ailleurs excellent quand il doit l’être, c'est-à-dire aux moments qui intéressent le réalisateur comme les moments de tension.

Considéré par Steven Spielberg à l’époque comme la meilleure déclinaison de son Jaws, Piranha est incontestablement une réussite, pas un chef-d’œuvre mais une œuvre sincère dans son genre, faite par des passionnés qui y ont visiblement pris du plaisir. Que le film ait été un succès tant aux Etats-Unis qu’ailleurs dans le monde n’est que justice rendue à une équipe qui a tout fait pour produire, avec les moyens du bord, la meilleure série B possible. Un peu plus donc qu’un simple ersatz commercial de Jaws, le film servit de tremplin à Joe Dante qui fit la carrière honorable qu’on lui connaît.

StevenBen
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il y a 5 jours

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Steven Benard

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