Comme dirait Hubert Bonnisseur de La Bath : « Je n’arrive pas à aimer cela ». Je vois l’idée, l’efficacité du produit, l’aspect feu d’artifice qu’il offre généreusement, le pourquoi de son succès planétaire, bref, sa volonté de faire un divertissement parfait pour petits et grands. Mais dans les faits, ça ne prend pas – en tout cas pas sur moi : C’est trop hystérique, trop informe, trop grimaçant – Johnny Depp n’était pas encore complètement insupportable mais le film enclenche cela – et trop perverti par l’esprit Disney, lisse, sans audace.
Alors oui, le spectacle maritime à renfort d’explosions et d’une figuration assez dantesque impressionne – Jerry Bruckheimer est à la production – mais il n’est pas secondé, ni par le récit (aucun intérêt) ni pas les personnages, tant on se fiche d’absolument tout le monde, Jack, Elizabeth & Will compris. Mon plus gros problème c’est la dimension ô combien quelconque de la réalisation, sans aucun relief, sans réelle virtuosité, sans double lecture. Pour avoir vu Vingt-mille lieues sous les mers dans la foulée, il me semble que Fleischer, aussi transparent soit-il sur ce projet, apporte un savoir-faire, une fraicheur qu’un cinéaste lambda n’aurait pas su apporter afin de canaliser la machine. Pirates des Caraïbes, aussi mouvementé soit-il, reste un film tristement plat. Devant lequel on s’ennuie tant on voit chaque rebondissement venir, tant on sait quand chaque scène va se terminer, au même titre que l’on peut prévoir chaque mini-gag, vanne ou grimace. C’est une attraction à Disneyland, rien de plus. Gore Verbinski n’est pas un auteur très intéressant quoiqu’il advienne, mais il me semble qu’il réussira (après les trois volets de Pirates des Caraïbes) quelque chose avec Rango, qu’il me faudrait revoir, ceci étant.
En fait c’est un film de piraterie tout simple, qui n’a de semi-subversif que son personnage de capitaine Jack Sparrow, androgyne électron libre, alcoolique et farfelu, flibustier à l’allure dansante, aux dreadlocks dégueulasses et au mascara coulant. De là à en faire une icône post-moderne de pirate le plus cool de l’histoire du cinéma, le terme est fort. Il n’empêche qu’il relève à lui seul un genre (Le film de pirates) qui semblait enterré. C’est le pari de Disney que de trouver cet acolyte-énergumène pour tout vampiriser, aussi bien les autres personnages, le récit de piraterie que la mise en scène de Gore Verbinski, qui n’est, on l’imagine, qu’un pauvre exécutant sur ce projet. Bref c’est un joli manège, une belle mixture de bateau pirate et de train fantômes, prototype tout à fait prêt à prendre vie dans une attraction Disneyland.
Pas sûr d’avoir le courage de regarder les opus suivants, d’autant que dans mon souvenir, ils (Les deuxième et troisième, pas vu ensuite) sont moins intéressants que celui-ci, perdent complètement la fraicheur qu’il dégage.