"La Vengeance de Salazar" avait commencé depuis moins de dix minutes, et alors que je contemplais les (désormais habituelles) mimiques outrancières de Johnny Depp (nous nous sommes tant aimés, Johnny...) grimpé sur une banque tirée par des chevaux, j'ai eu un flash (-back ?) : Gérard Philippe galopant sur les toits dans "Fanfan la Tulipe", une image emblématique de mon enfance (et un film que je ne reverrai certainement pas pour ne pas gâcher l'enchantement qu'il avait créé à l'époque...). Inévitablement, ce rapprochement oblige à se demander ce qui a pu aussi mal tourner dans le cinéma populaire... Pourquoi la légèreté bondissante d'un Errol Flynn (pour citer des choses plus honorables qu'un film de Christian-Jaque) ou la pétulance sexy d'un Burt Lancaster en corsaire charmeur avaient ainsi été abandonnées au profit de ricanements pénibles, de caricatures systématiques, de clins d’œil au second degré ? (Pensez par exemple à la grotesque apparition d'un McCartney succédant à l'ami Keiff et venant chercher sa part du gâteau chez Disney). Pourquoi donc y a-t-il désormais aussi peu de MERVEILLEUX dans ces recopiages de situations déjà vues dans les épisodes précédents, et pourquoi autant d'effets numériques pour déréaliser et ôter toute magie à des scènes qui devraient faire pleurer de bonheur le petit garçon qui est encore en nous ? Car enfin, qu'y a-t-il "normalement" de plus beau, de plus excitant, de plus terrassant qu'un combat maritime suivi par un abordage en règle ?
Et surtout, surtout, pourquoi continuons-nous, envers et contre toute logique, à aller dans les salles de cinéma pour voir des acteurs talentueux (Javier Bardem, Geoffrey Rush, deux vraies pointures...) cachetonner tranquillement, et des réalisateurs aussi peu créatifs que le duo Ronning-Sandberg se contenter de singer le travail honorable d'un Gore Verbinski, sans retenir les leçons que des décennies de cinéma hollywoodien d'aventure nous ont données en matière de mise en scène, de montage, de narration ?
Eh bien peut-être parce que, in extremis, alors que le scénario de la "Vengeance de Salazar" a encore réduit le Capitaine Jack Sparrow à n'être plus que l'ombre de ce qu'il était, alors que les somptueux combats navals de naguère ont été soigneusement évités, un peu d'émotion romantique renaît derrière l'unique souci d'efficacité spectaculaire qui a régi le film : le sacrifice d'un père, les retrouvailles d'un couple séparé, le plaisir de reprendre la mer en tenant la barre de son vaisseau... des sentiments bien basiques, simplistes presque, qui nous ramènent à l'essence du cinéma populaire, loin des monstres et fantômes des manèges "sophistiqués" de Disneyland. Comme si, au final, quelqu'un dans l'équipe pléthorique du film s'était souvenu que le public va voir ce genre de "grand spectacle" avant tout pour rêver, rire et pleurer.
[Critique écrite en 2021, à partir d'une première version - moins positive, écrite en 2017]