Le nerd de naguère

Qu'ils sont ridicules ces ringards de la tournée Âge tendre et tête de bois. Et Stars 80, pathétiques. Sans parler de toutes ces émissions navrantes de nostalgie dégoulinante. Naphtaline, formol et rock'n'roll.

Mais pourquoi vous m'infligez ça à moi, trentenaire moderne qui porte un tee-shirt Pacman, qui ait acheté récemment Another World - 20th Anniversary Edition (en vérité, je croyais prendre Flashback) et qui a regardé Pixels ?

« A l'origine notion médicale (du grec nostos, le retour, et de algos, la douleur), la nostalgie traduisait le mal du pays constaté chez les militaires dès le XIXe siècle. Réinterprétée ultérieurement par des psychologues et des sociologues, son acception a évolué d'une pathologie vers une réaction affective douce-amère, éprouvée par un individu lorsqu'un stimulus a pour effet de le transposer dans un passé idéalisé » Philippe Robert-Demontrond, Professeur des Universités et membre du CREREG (Centre de Recherche Rennais en Economie et Gestion) [Source ]

Oui, Pixels est l'Âge tendre et tête de bois des premiers gamers. Une génération qui compte aujourd'hui des quarantenaires et des cinquantenaires, dans leur pleine maturité de pouvoir d'achat. Celle-là même qui succombe au retro-gaming et est prête à dépenser une fortune pour une console d'origine. Ils sont les premiers à télécharger des versions réactualisées sur leur nouvel iPhone, ce qui revient à faire rouler Paperboy sur une autoroute 4 voies.

Le « c'était mieux avant...» repose soit sur un souvenir heureux (nostalgie positive), soit sur un regret de ne pouvoir revivre une époque (nostalgie négative). Cette double définition est la base du film Pixels.

Et tout y fait aussi pour exacerber le conflit de générations, entre le doux Pacman et le violent Last of us.

« La nostalgie ? Ça vient quand le présent n'est pas à la hauteur des promesses du passé. » (Neil Bissondath) [ Source ]

Pixels n'est clairement pas à la hauteur des promesses du passé. Que rêvaient les joueurs de l'époque ? De jeux plus réalistes, plus beaux, plus impressionnants. Nous les avons. Alors pourquoi nous infliger aujourd'hui un film des années 90 ?

Le film regrette la convivialité des salles d'arcade. Je suis prêt à rejoindre ce point de vue. Internet a aboli la nécessité de se déplacer. Mais ce n'est pas pour autant que les jeunes joueurs ou joueuses (et les moins jeunes) ne continuent pas à se retrouver pour une partie entre ami-e-s.

Des joueurs de mon âge (la trentaine), le regret qui revient le plus souvent est celui de la facilité des jeux d'aujourd'hui. C'est vrai, mais c'est aussi vrai que j'ai arrêté de rejouer à Another world parce que j'en ai eu marre de ne pas y arriver au bout d'une quarantaine de tentatives (pour autant, cela ne m'empêchera pas de chercher tous les items dans une carte d'un open world).

Et qu'est-ce que Pixels, censé être un hommage aux premiers jeux, si ce n'est une facilité ?

Pixels n'a pas besoin d'histoire, il a une nostalgie. Certes il y a un peu de second degré, mais soyons sérieux, le fond n'y est pas.

Niveau casting, facile : Adam Sandler pour la ménagère, Peter Dinklage pour le geek. Par contre, que vient faire-là Michelle Monaghan ?

Pour le reste, je n'ai pas envie de m'étendre. Les gags sont prévisibles, navrants et même parfois pathétiques. Les personnages ont l’épaisseur d'une cartouche de GameBoy. Et surtout, j'ai eu tout le long cette désagréable sensation d'être pris pour un porte-monnaie Bitcoin.