Nous sommes en 2015.
Les jeux vidéos existent depuis plus de 30 ans.
La Terre compte près d'1.2 milliards d'adeptes des jeux vidéos.
Près de la moitié des gamers est féminine.
D'aucuns diraient que les jeux vidéos font donc partie, plus ou moins directement, de notre quotidien de façon tout à fait admise, et que le cliché du geek vierge et binoclard n'a plus lieu d'être.
Finalement, pour qui pourrait en douter à la lecture de ce qui suit, j'aime le cinéma, et j'aime le jeu vidéo.
Comment donc un film comme Pixels a-t-il pu se planter aussi profondément, sur autant de tableaux?
Comment, avec autant de personnes impliquées (dont statistiquement de nombreux geeks) la production a-t-elle accouché d'un produit universellement dégradant?
En effet, Pixels se fait une joie d'insulter toutes les démographies auxquelles il pourrait prétendre à coups de blagues sexistes et parfois racistes.
C'est donc sans honte qu'il se paie le luxe de porter à l'écran de façon très littérale et quasi-systématique le concept de femme-trophée (et son arsenal de blagues sandwich et de blagues cuisine).
Les personnages féminins se divisent en deux catégories, les princesses et les pauvres grand-mères hors-champ qui, pour avoir eu l'audace de s'adresser aux héros, ne méritent qu'insultes et mépris, au grand amusement (?) du spectateur.
Pixels est également malveillant à l'égard du geek, qu'il affuble de tous les maux physiques imaginables, et auquel il n'attribue qu'une seule ambition dans la vie: pécho la princesse. Véritable ode à la diversité (...), le geek chez Pixels peut être égoïste, asocial, pleutre ou malhonnête, mais sa seule et unique qualité est d'être geek.
On aurait pu espérer qu'en dépit de sa haine du geek, Pixels se révèle bienveillant envers le jeu vidéo lui-même... Ô Déception, "les jeux vidéos c'était mieux avant, ceux d'aujourd'hui sont bien trop violents, détourne les yeux, petit garçon."
Heureusement, ces travers font passer au second plan la banalité d'un scénario qui empile les clichés du début à la fin, qu'il s'agisse des personnages, qui ne connaissent aucun développement, ou de la trame narrative elle-même.
Les "méchants" sont inexistants, vides de toute substance. Ils ne vivent qu'au travers des effets spéciaux (et pas du scénario ou des dialogues).
Les effets spéciaux, eux, laissent fortement à désirer, tant et si bien que l'on se surprendra à hurler des rétines devant les quelques green screens mal gérés de la fin du film.
(Plus tôt dans la bobine je l'avouerai, je n'ai pas fait attention, j'étais plutôt occupée à pleurer dans ma copie du Bechdel test)
Pixels n'est pas un film drôle pour qui a un humour qui s'étend au-delà de la Grande Barrière de Pets.
Ce n'est pas non plus un film drôle pour qui a un tant soit peu de recul et d'amour propre.
En fait, Pixels est un film dont il n'y a strictement rien à tirer, passé le constat dramatique de l'évolution des mentalités en 2015.
Je rêve que dans 10 ans, Pixels soit devenu un bon nanar auquel on réserve la même tendresse qu'à ce cousin parti en prison pour crime de haine, mais qui nous manque un peu quand même.
Si vous DEVEZ vraiment aller voir Pixels, emmenez des bières. Beaucoup de bières.
Ou alors, priez pour être dans la même salle que Le Beauf De Derrière Qui Hurle De Rire A Tout Et N'Importe Quoi Et Répète Après Coup Que Whah T'as Vu C'est Excellent.
Ce grand homme a été ma corde de secours pendant les deux heures du film, et à l'entendre ça ne m'étonnerait pas qu'il décide de retourner le voir... il vous reste donc une chance.