Pour ce qui s'avère être le dernier film du duo Jacri, les deux comédiens-auteurs ont joué la carte d'un cynisme un brin désespéré, semblant sonner la mort progressive des idéaux d'humanisme et des croquis attendris de personnages aux défauts quotidiens qu'ils ont toujours réalisés. Place publique dépeint l'univers plutôt haïssable de la télé, ou les égos se confrontent aux audiences, les contenus putassiers à un public toujours plus avide de contenu de piètre qualité, et où l'hypocrisie est la reine maîtresse, pouvant transformer des décennies d'amitié et de respect en d'instantanés souvenirs, un monde où la vie privée doit s'afficher, donc, en place publique.
On sera donc surpris par ce virage final qui se lit comme une version désespérée du Sens de la fête de Toledano et Nakache, qui un an plutôt concentrait déjà l'action sur quelques heures d'une cérémonie et, déjà encore, faisait la part belle à un Bacri central.
On sera également surpris par l'étonnant manque de finesse dont font parfois preuve les deux auteurs, résumant parfois à gros traits des situations, des personnages ou des périodes de la vie (la jeunesse résumée en la bêtise d'un youtubeur dont on méprise le travail, vision étrangement réac', et la vieillesse résumée à une aigreur globale et à l'abandon dépité des idéaux qui nous ont guidés durant nos jeunes années).
On sera bercé puis décontenancé par le faux-rythme permanent du film, qui promène lentement sa caméra dans la fête, capte des instant de grâce (la scène d'ouverture qui voit Kevin Azaïs et Jean-Pierre Bacri danser au bord d'une route sur du rap engagé) et des instants de ridicule, qui attrape au vol des bribes de conversation qui feront rire ou rendront mélancoliques, mais une caméra qui parfois semble un peu trop se perdre, abandonnant le spectateur à la seule ambiance musicale d'une fête à laquelle il n'est finalement jamais réellement convié.
On pourra enfin également être décontenancé par l'avant-dernier rôle de Bacri qui, en parodie non assumée de Thierry Ardisson, incarne, et c'est presque triste de le voir ainsi finir sa carrière, un véritable connard comme le duo Bacri-Jaoui en a toujours montré, mais qui particulièrement ici se montre en tous points odieux, contrepied absolu du râleur bonhomme mais toujours drôle et émouvant qu'il aura incarné toute sa vie.
*Place publiqu*e, malgré les étonnements qu'il nous réserve et les défauts auquel il n'échappe pas, reste pour autant un beau moment, drôle, sensible, comme toujours un peu sociologique, et presque crépusculaire, servi par la troupe habituelle du duo, casting disparate et un peu maladroit, mais globalement doué dans des rôles souvent difficiles.