On entre dans « Place publique » comme dans des petits chaussons. C’est souvent drôle, toujours extrêmement bien vu et surtout tout à fait en phase avec notre époque. Cependant, on pourra reprocher au duo Jaoui/Bacri de radoter un peu, de rester dans leur zone de confort mais c’est tellement perspicace et superbement écrit qu’on ne leur en tiendra pas rigueur. En revanche, il est plus dommageable de les voir tous les deux jouer toujours le même type de rôle. Sachant qu’ils écrivent à quatre mains et qu’elle réalise, ils devraient tous les deux se trouver en capacité de s’offrir d’autres compositions que celles du bougon cynique de droite pour lui et celle de l’humaniste bobo de gauche pour elle. Ils les jouent très bien ces rôles, il n’y a rien à redire, ils connaissent leur partition par cœur. Mais il faut avouer qu’on aimerait parfois les voir prendre plus de risques devant la caméra également ce qui éviterait redite et donc lassitude.
« Place publique » ressemble fortement au « Sens de la fête » de Toledano et Nakache sorti en fin d’année dernière, et cela pourra d’ailleurs peut-être lui porter préjudice. Même unité de temps, même unité de lieu et même contexte de fête dans la riche campagne parisienne. Il y a même deux acteurs qui sont dans les deux films, en l’occurrence Jean-Pierre Bacri et Kevin Azais. Cependant, il serait fort dommage de négliger celui-ci qui privilégie l’étude comportementale à la comédie même si la frontière entre les deux est poreuse et que l’on (sou)rit beaucoup aussi ici. Le petit théâtre de la vie est encore une fois croqué à merveille par le duo qui sonde l’âme humaine avec une grande acuité. Ils décortiquent les petits travers de chacun avec délice et malice pour notre plus grand plaisir. Sans oublier d’égratigner en passant certains penchants typiques de notre époque tels que la célébrité éphémère ou la mode écolo.
Si l’on creuse un peu plus le vernis de la comédie humaine, où quelques gags un peu plus banals sont là pour dire de séduire le chaland, il y a dans le fond un côté bien plus sombre. Le film pointe en effet aussi du doigt, comme l’a toujours fait le duo, les rapports de classe et leur inamovibilité. Et ils le font toujours aussi bien par le biais de quelques scènes discrètes mais évocatrices ou de dialogues bien sentis. Car ce qui fait toujours le sel de leurs long-métrages, c’est bien la finesse de leur écriture et la manière dont ils savent mettre en bouche de leur acteurs des répliques impeccables et jamais forcées. Si tous les personnages, des premiers aux seconds rôles, font un peu catalogue du français actuel, aucun ne sombre dans la caricature et cela permet de dresser un tableau objectif et sacrément caustique de l’humain contemporain. On passe donc un excellent moment devant « Place publique » et on ne s’ennuie pas une seule seconde grâce à un rythme adapté et une bonne humeur générale. Du cinéma de qualité, intelligent et fait avec soin même s’il ne révolutionne rien.