Ou plus exactement la version gay de Christophe Honoré, version qui, contrairement à ce que l'affiche du film laisse supposer, n'est, au bout du compte, pas si gaie que ça.
Le réalisateur, à l'évidence, sait de quoi il parle et, par le biais d'une rencontre et histoire d'amour naissante quoique contrariée entre Jacques, un écrivain parisien de 35 ans (cool, fringant, brillant, mais hélas contaminé par le VIH et de plus en plus conscient de la gravité de son état, donc parfois amer ou chagrin) et Arthur, un étudiant rennais de 22 qui tombe amoureux de lui (sans vraiment réaliser que celui qu'il aime est condamné), Christophe Honoré brosse avec brio un tableau dérangeant de ce qu'était la vie des homosexuels au début des années 1990, en plein coeur des années sida, quand il n'existait encore aucun traitement pour ralentir la progression de la maladie et que les sujets atteints étaient irrémédiablement emportés en quelque mois ou un peu plus.
Le film, malgré le thème traité et la fin déchirante, n'est pas lugubre, mais plutôt (et paradoxalement) léger, badin, drôle, ironique et d'un réalisme plus ou moins poétisé. Il nous transporte de scène en scène avec une grâce (une habileté ?) incroyable. L'histoire ne se réduit pas à décrire l'ébauche de relation entre Jacques et Arthur, elle englobe plein d'autres personnages, surtout masculins, mais également féminins qui, tous, nous aident à mieux saisir l'univers et le "fonctionnement" des deux personnages principaux, l'évolution de leurs états d'âme aussi. Ainsi, Jacques a un petit garçon de 10-11 ans, Loulou (Louis) qui vit tantôt chez sa mère, tantôt chez lui et qui a un équilibre, un aplomb étonnants pour son âge. Il a également un grand ami journaliste : Mathieu / Denis Podalydès (qui habite juste au dessus de chez lui et qui, lui aussi, aime les mecs). Et, outre Arthur, deux amants, l'un intermittent (et tarifé ?), l'autre plutôt son ex. et au bout du rouleau.
La photographie joue avec bonheur les nuances de bleu (usage de filtres, j'imagine). La bande son est superbe, alterne le moderne et le classique (sans que j'aie été capable de bien identifier les morceaux), suivant les sentiments ou l'émotion des protagonistes qu'elle veut exprimer (il y a, entre autres, une très jolie chanson d'Anne Sylvestre : "Les gens qui doutent"). Le montage m'a aussi beaucoup plu et même époustouflé.
L'aspect technique des films n'est pas mon fort, mais j'ai quand même été capable d'apprécier la qualité des prises de vue et de certains cadrages, notamment dans les scènes de baignoire entre Jacques et Marco (son ex-amant, lui aussi atteint du sida mais plus gravement encore). Les deux scènes de baignoire (l'une réaliste, l'autre onirique) sont très belles, très bien filmées, très bien jouées. Les interprètes sont d'ailleurs tous top, avec une mention particulière pour Pierre Deladonchamps que j'ai trouvé d'une grande justesse en toutes circonstances.


Le film, qui se veut gai, hédoniste et (je me répète) paradoxalement quasi insouciant dans ses deux premiers tiers, vire ensuite et de façon brutale au drame ou plutôt à la tragédie. Probable que vous n'en sortiez pas les yeux tout à fait secs.

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le 12 mai 2018

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Fleming

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