Ce titre nous évoque déjà la séduction, la passion, la perte, l’échappée qu’elle soit belle ou non. Christophe Honoré signe ici un film mature, le film abouti qui vient chapeauter toute sa filmographie. Des chansons d’amour on y retrouve la mort, l’amour et l’amitié, de La Belle personne l’admiration et l’enseignement de la vie, Des Bien-aimés le temps qui passe, de 17 fois Cécile Cassard le portrait le plus réaliste possible d’une personne, ici celle de Jacques, joué par Pierre Deladonchamps. Ce film est porté par ses acteurs : Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps et Denis Podalydès, à la fois tendres et crus. J'aime le fait que cet amour et cette passion charnelle entre un homme jeune et un homme d'environ 15 ans son aîné, soit explicite et non pas symbolisés par des images quelque peu grossières telle que le fruit, le végétal, les sculptures grecques dans Call me by your name de Luca Guadagnino. Dans Plaire, aimer et courir vite, Mathieu (D. Podalydès) comme figure de bienveillance, l’ami de toujours, Arthur (V. Lacoste) jeune, intellectuel avec beaucoup d’humour qui a un regard franc sur ce qui l’entoure, Jacques (P. Deladonchamps) écrivain malade, empreint de solitude au regard froid sur l’amour et ce que lui donne la vie. La construction du film est très réussie, chaque personnage apporte quelque chose d’essentiel. On retrouve chez Loulou, le fils de Jacques, la figure enfantine que l’on croit faussement naïve et qui semble être une référence à Jacques Demy et le personnage de Boubou dans Les Demoiselles de Rochefort, ce jeune garçon perdu dans ce monde d’adultes. La musique a une place importante comme toujours chez Honoré, elle est le moment d’expression où les sentiments se révèlent avec mélancolie, chaque musique est le moyen de sortir de la retenue sentimentale de chacun d’entre eux. On retrouve le « petit breton » Des chansons d’amour, mais ici Arthur est impertinent, aucunement innocent, son humour grinçant et réaliste fait sourire, il touche par son insolence et sa fausse prétention. Christophe Honoré nous conte l’histoire d’un dernier amour, d’une dernière bouffée d’air frais, avec douceur et douleur, dans la course effrénée d’une vie écourtée par le Sida. Une histoire dramatique, un amour tragique dont la fin est inévitable, mais qui ne tombe jamais dans le mélodrame, même lorsque la scène se déroule à l'hôpital. Honoré manie le rire et la larme à merveille d'une scène à l'autre, d'un dialogue à l'autre, entre les regards... Ce film fera parler de lui aux Césars je l’espère (en particulier pour les prix d’interprétation), non pas comme étant dans la lignée de 120 battements par minute qui a connu un grand nombre de récompenses à la dernière cérémonie, mais comme un film d’un genre propre, la « marque Honoré » qui mérite d’être couronnée de Césars. Le film de Robin Campillo, malgré un contexte identique, met en évidence le thème de la rage, de l’engagement de « Act Up » alors qu’il n’est qu’une fois évoqué par Mathieu dans le film de Christophe Honoré. Deux œuvres, l’une plus politique, l’autre plus sentimentale, qui sortent à une année d’intervalle.
… Le plus beau film de Christophe Honoré.