Joachim Trier nous plonge dans un film qui bascule du réalisme au fantastique en quelques plans. Le trouble psychologique et l’ambiance, plus qu’étouffante sont présents dès les premières scènes, à travers le poids de la religion ainsi que l’oppression qu’exercent les parents de Thelma sur leur fille. On peut ici faire un lien avec Breaking the Waves de Lars Von Trier (et pas seulement pour leur nom), car Trier, Joachim, fait aussi une critique de la religion comme enfermement dans une bulle d’instabilité, qui s’apparente à la folie, même si le père de Thelma y voyait une échappatoire, cette liberté est feinte, leur vie est sans issue... La religion est seulement vécue comme douleur et culpabilité. Le rythme y est, les lumières qui éclatent, nous sommes dans un centre d’analyse psychiatrique… Mais Thelma est amoureuse, un amour interdit qui va réveiller en elle tous les démons qu’elle refoule depuis l’enfance, depuis cette fameuse crise de nerf à 6ans. Une route, un bus, une visite d’une maison de repos, sa grand-mère muette, inerte. Thelma bascule, un souvenir, un meurtre, puis deux, puis trois… Des symboles à outrance, le serpent du péché, le corbeau du mal, le sang qui coule dans le lait blanc, symbole d’impureté par excellence, ou encore ce feu faisant écho au souvenir « traumatisant » de la bougie, le réalisateur ne va pas dans la finesse des images mais peu importe il crée la peur, l’angoisse, et le film s’accélère entre souvenirs d’une monstruosité sans nom, mêlés à ce sentiment passionné qu’éprouve Thelma envers Anja. Si on reconnaît une inspiration de Mulholland Drive de Lynch sur la folie, le cauchemar et la double-personnalité, qui dans le cas de Thelma s’apparente à tout ce qui a de plus manichéen : entre le Bien et le Mal, mais elle ne choisit pas, enfin, son for intérieur oui, mais en est-elle maîtresse ? Elle est son désir, et son désir la contrôle. Moins poignant que Back Home, moins touchant que Oslo 31 aout, le réalisateur s’essaie au film fantastique, un peu criard, peu nuancé mais qui nous tient en haleine et auquel on a presque envie de croire.