A la frontière entre le kitsch des premiers nanars Z et la science-fiction cinématographique moderne, se trouve une bien étrange planète. Une planète appelée Altaïr 4 où ce sont les humains, une fois n'est pas coutume, qui débarquent en soucoupes volantes dans le rôle des visiteurs inopportuns. Une planète aride sur laquelle ont pourtant survécu deux autres humains durant 20 ans, avec l'aide d'un robot matérialisé par la seule force de l'esprit. C'est con quand on y pense car avec tout ce que permet l'imagination, ça devait quand même pas être bien compliqué de donner à Robby - c'est son nom - des membres un peu plus ergonomiques, au lieu de le forcer à déambuler comme une armoire qui aurait des hémorroïdes.
Alors oui c'est bien kitsch tout ça, mais en même temps tellement visionnaire. A tous les points de vue, Planète Interdite a bien 15 ans d'avance sur son temps. D'abord pour avoir osé enfin traiter la SF comme un véritable genre cinématographique, tout en lui donnant les moyens des grosses productions de l'époque. Ensuite pour son scénario étonnamment complexe et novateur. Troisièmement pour son design épuré qui préfigure les folies de design des sixties. Enfin, pour sa maîtrise quasi parfaite des effets visuels, avec toute une palette de techniques venant donner à cet univers une profondeur et une crédibilité inédites (mention spéciale pour l'animation de l'Id, renversante). Sans oublier sa BO, la première composée uniquement de musiques électroniques.
Alors pourquoi seulement 6 ? Tout simplement parce que le film est un précurseur, et qu'il conserve fatalement des défauts de jeunesse. Si Fred Wilcox a réinventé la SF au cinéma, il n'en a pas fait de même pour la narration filmique. Planète Interdite se coltine un rythme assez pataud, notamment au début, et une mise en scène très peu spectaculaire. Un gouffre se creuse avec la complexité thématique de l'intrigue, rendant les explications un peu confuses. Et pour finir, car il ne faut pas se voiler la face : hormis l'impeccable Walter Pidgeon, le niveau général des acteurs frise le mauvais (et pourtant putain que j'adore Leslie Nielsen, mais là il n'est simplement pas dans son élément). Pour toutes ces raisons, je pense que ceux qui connaissent la valeur historique du film ont bien plus de chance de l'apprécier que les autres.