Play reste avant tout une excellente idée de long-métrage.

De l'adolescence à l'âge adulte, de 1993 à 2015, Max filme ses diverses tranches de vie, son entourage, mais aussi les évènements sociologiques et culturels qu'il traverse. Dans cet univers plus ou moins chaotique propre à la jeunesse, il y a Emma, rencontrée à l'âge de 13 ans, un vrai soleil de fille. Caché derrière son caméscope, Max ne va cesser d'immortaliser la jeune femme et de lui déclarer ainsi sa flamme, sans véritable aveu de sa part. Et ce, durant plus de 20 ans…

En suivant ce petit groupe de potes, essentiellement durant la décennie 1990, Anthony Marciano s'adresse à sa génération. Celle qui avait 18 ans lorsque la France remporte la Coupe du Monde de la FIFA en 1998 et lorsque le groupe Pixies devient tardivement populaire grâce au succès du film Fight Club. Une génération dont l'enfance a été bercée par les chansons d'Hélène Rollès et l'adolescence par le rap incandescent de NTM ou le grunge embrasé de Nirvana. Une génération touchée par les dangers du SIDA et où les drogues dures (essentiellement l'ecstasy et la cocaïne) se démocratisent de par leur facilité d'accès. Mais ce n'est pas tant les dérives sombres d'une certaine jeunesse qui intéressent Marciano (qui zappe, par ailleurs, les attentats meurtriers du 11 septembre 2001 aux USA ou ceux du 13 novembre 2015 en France), c'est plutôt la difficulté de dévoiler ses sentiments. La vanne en lieu et place de la sincérité des émotions, la régression en la matière pour ne pas perdre la face au regard des autres. Au nom de quoi ?... Personne ne le sait. Dans Play, Emma est très amoureuse de Max. Depuis le premier regard (filmé par ce dernier). Mais de par son immaturité, le garçon ne souhaite en aucun cas dévoiler la réciprocité de ses sentiments. Des années perdues, irrattrapables, où les chemins se croisent et se séparent.

La première partie du film, celle qui témoigne de l'adolescence, frise la perfection. Notamment grâce à son casting où des ados plus vrais que nature (en particulier Marie Narbonne et Camille Richeux, parfaites) campent des situations qui sentent indéniablement le vécu. Mis à part peut-être l'évidence que les images soient en réalité filmées avec des caméras numériques puis transférées sur des bandes analogiques pour leur offrir un aspect vintage, l'angle sociologique voulu par Marciano fonctionne néanmoins à merveille. Et si l'on peut se permettre de penser que la forme en mode "found footage" va certainement finir par agacer dans le cadre d'une comédie romantique générationnelle, nostalgique et acidulée, il n'en est strictement rien.

Malheureusement, c'est lorsque les personnages atteignent l'âge adulte que tout s'écroule. Non pas par la faute de la mise en scène, remarquablement tenue et appliquée dans son concept. Ni par celle d'Alice Isaaz, lumineuse et transcendante dans la peau d'une Emma majeure. Mais par l'incarnation de Max par Max Boublil, aussi mauvais acteur qu'irritant dans sa manière de s'exprimer. Et lorsque le personnage qu'il incarne devient comédien de théâtre et voix off en publicité, plus rien n'est crédible. Pourtant l'homme aurait fait le buzz via internet en 2007 avec une chanson parodique intitulée Ce Soir… Tu Vas Prendre avant de poursuivre un parcours dans le domaine du stand-up. Depuis, à part quelques sommaires apparitions dans des comédies sans prétention et une poignée de TV films, Boublil ne semble plus vraiment faire parler de lui.

Play sera par ailleurs un véritable four commercial faisant perdre près de 5 millions € à ses producteurs. Dommage, car avec la présence d'un comédien bien plus compétent à la barre, l'œuvre aurait pu devenir culte en lieu et place d'être finalement décevante et convenue. Restent toutes les qualités mentionnées (scénario, mise en scène, justesse du reste du cast, dont une très touchante Noémie Lvovsky). Comme quoi, un simple grain de sable peut parfois enrayer la plus solide des machines.


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