Jacques Tati, un des plus grands cinéastes français, réalisa une quinzaine de films dont on retient généralement le nom de monsieur Hulot, un personnage décalé et atypique. Playtime son quatrième long métrage qui est sans doute le plus ambitieux et le plus visionnaire.
Des américaines débarquent à Paris avec une agence de voyage qui leur propose "une capitale par jour". Arrivées à l'aéroport, elles découvrent que ce celui-ci ressemble étrangement à celui de Viennes, que les routes sont les mêmes qu'à Hambourg et les lampadaires les mêmes qu'à New York. Elles évoluent dans ce décor international tout en cherchant à rencontrer des vrais parisiens dans un Paris un peu plus romantique; parmi eux, monsieur Hulot.
Ce film est composé de deux actes. Une première partie où l'architecture domine. Tout n'y est qu'angles droits. Les personnages aussi font partis intégrante de ce décor. Dans un plan assez long, on voit d'un coté Hulot et de l'autre on aperçoit un homme qui vient vers la caméra, parcourant un long couloir; la caméra reste fixe et attend que le personnage arrive, tout comme Hulot. Toute l'architecture de ces bâtiments est construite avec des carrés transparents et gris où les personnages comme dans une prison ne peuvent en sortir ou s'y perdent, comme Hulot.
La seconde partie se passe dans un restaurant à peine terminé où tous nos personnages se retrouvent. L'ambiance y est un peu plus chaleureuse. Et la maladresse légendaire de Hulot finira par tout casser et par y mettre un joli foutoir. Puis petit à petit, les contacts humains et l'amitié apparaissent pour prendre le dessus sur cet environnement. Tout commence à tourner pour finir dans un véritable manège. Au matin, cette ville s'éveille avec un peu plus de fantaisie et les voitures de toutes sortes feront d'un rond point un carrousel à musique. Par opposition à la première partie, la seconde se finit par des cercles. Tati joue avec la géométrie passant du carré rectiligne aux couleurs froides au cercle bordélique et coloré.
Tati avec ce film se fout de tout avec un humour incrusté jusque dans chacun de ses plans. Tout y passe: Le tourisme, les loisirs, les commerces ... En appelant son film Playtime plutôt que "le temps des loisirs", Tati se moque de cette obsession pour la langue anglaise. On trouve des anglicismes de partout dans le film, les voitures garées dans les parkings, les ménagères vont faire leurs courses au supermarket, on y trouve le night-club et le drugstore...
Tati avait aussi prévu le futur de notre civilisation en peignant une ville déshumanisée, monochrome, à la pointe du progrès, la nourriture infecte, la mondialisation, l'anglais, le milieu professionnel etc.
On est bien loin du village de Jour de fête même si le facteur fait tout pour distribuer le courrier à l'américaine, pour au contraire se rapprocher de la villa ultra moderne de Mon oncle.
Même si les décors furent construis sur un immense terrain vague dans la région parisienne éclairé en permanence par un soleil artificiel héritant du nom de Tativille, les critiques et le public ne suivirent pas, Tati est alors ruiné. Il fera tout de même Trafic où l'on retrouve les lignées de voitures puis Parade un hommage au cirque et au music hall.
Les films de Tati connaissent maintenant une seconde vie grâce aux "films de mon oncle".