Renfermée et sûre d’elle, Linnéa est une Suédoise de 19 ans qui débarque à Los Angeles avec l’espoir de devenir une star du X. Mais en voulant se diriger vers des pratiques de plus en plus difficiles pour se faire repérer, elle va être confrontées aux tenants de ses choix…
S’il s’agit du remake d’un court métrage de 2013 de la même réalisatrice, on sent que celle-ci s’est entre-temps énormément documentée sur l’industrie pornographique américaine. Car son film montre l’envers des tournages, détails pratiques à l’appui. Mais aussi la participation d’un grand nombre d’artisans de l’industrie (acteurs, réalisateurs, agents…) dont plusieurs incarnent leur propre rôle, ou de références explicites à des acteurs ou studios réels. A tel point qu’entre ceci et le côté assez froid de sa protagoniste, « Pleasure » fait parfois figure de documentaire sur le milieu !
Le film ne se résume toutefois pas à un enfilement de détails, et affiche une vraie proposition cinématographique. Dans le fond d’abord. Il y a beaucoup de facette par lesquelles on peut analyser l’industrie du X, et Ninja Thyberg a choisi celle du consentement des actrices, qui est une réelle épreuve psychologique et physique.
Si le film évite le manichéisme grâce à son aspect documentaire, la réalisatrice critique pour le coup la manière dont le consentement est géré (ou pas). Allant du porno « éthique » où l’actrice est mise dans une sécurité relative, aux productions à la truelle où le réalisateur fait mine d’être à l’écoute tout en rappelant la pression financière et logistique, en passant par le porno « élégant », tout le monde en prend plus ou moins pour son grade. Avec des séquences parfois violentes, ou un brin d’humour absurde cocasse.
Sur la forme, « Pleasure » est plutôt audacieux dans sa gestion des scènes de sexe. Jamais complaisant ni voyeur, il n’est pas non plus hypocrite, montrant ce qui n’a pas de raison d’être caché. Ainsi, Ninja Thyberg ne laisse apparaître aucune pénétration, mais cadre au plus large pour que notre œil fasse le raccourci sans aucun effort. Les verges dressées de ces messieurs ne sont pas non plus masquées, loin de là, chose rare au cinéma.
Vous l’aurez compris, « Pleasure » n’est pas le genre d’œuvre à regarder en famille (mais en doutait-on au vu du sujet ?). Sachant que tout ceci n’a rien de gratuit, permettant de renforcer le choc psychologique pour la protagoniste (et le spectateur prude ?).
Celle-ci est incarnée par Sofia Kappel, débutante dans le cinéma qui semble se donner corps et âme dans ce rôle âpre. Tandis que la mise en scène évolue souvent en milieu fermé, avec très peu de plans larges. Et l’éclairage et les filtres exacerbent les couleurs fluo et pastel, donnant un aspect « pop » à l’image. Eléments qui traduisent le fait que notre héroïne voit l’industrie comme glamour, sans se rendre compte qu’il s’agit d’artifices ?
Si certains seront rebutés par son aspect froid ou ses scènes de sexe ultra-explicites, « Pleasure » demeure donc néanmoins un parti pris intéressant et recherché sur une industrie souvent grossièrement pointée de doigt ou moquée.