The Harder They Fall demeure une oeuvre assez particulière, la dernière tournée par Humphrey Bogart qui décèdera peu de temps après la sortie du film, d'une saleté de cancer, soit l'acte final de celui qui a accéléré ma passion pour le cinéma.
Bogie, ce sont des collaborations inoubliables avec Howard Hawks, John Huston et Michael Curtiz, ayant fait quelques tours mémorables chez Walsh, Delmer Daves ou Joseph Mankiewicz et restant encore aujourd'hui, et éternellement, la figure du détective privé, alors qu'il a fait ses premières classes comme petite frappe. Son allure, son regard, son look ou sa clope au bec restent ce qu'il y a de plus mémorables dans le film noir, et on lui associe ces ambiances uniques, à la fois fumeuses et romantiques, sombres et mystérieuses et des descentes en enfer inévitables pour ceux ayant trop trempé dans des magouilles ou voulant sauver leur belle.
Sa dernière descente aux enfers sera donc The Harder They Fall où il se retrouve dans la peau d'un journaliste sportif qui va se mêler à une combine de match truqué. Sans être impérial, il démontre une nouvelle fois une vraie justesse dans son rôle, sachant faire vivre son personnage et surtout, le rendre fascinant. Il paraît plutôt honnête mais va peu à peu perdre ses convictions et voir l'étau se refermer autour de lui, le milieu est pourri et corrompu, ce qui va déteindre sur lui, et sa chute n'en sera que plus forte.
Mark Robson nous entraîne dans le milieu de la boxe, qu'il présente comme corrompue, où finalement personne n'est tout blanc, et chacun s'y mêlant doit automatiquement s'asseoir sur ses principes. Cet aspect-là ne représente que le contexte du film, ce qui compte ici, c'est le portrait du journaliste, comment il va vendre son âme au diable après avoir résisté durant de nombreuses années, puis la façon dont ses principes vont s'écrouler les uns après les autres, au contact de la crème des salauds de la pire espèce.
L'une des forces du film, c'est aussi de ne pas négliger les personnages tournant autour de Bogart, que ce soit l'épouse, qui restera la part angélique de ce dernier, le manager, qui sera son démon ou encore le colosse argentin. Tous vivent et existent devant la caméra de Robson, bénéficient de solides interprétations, Rod Steiger en tête, et rendent cette plongée en enfer authentique et participe à sa dimension âpre, sèche, désabusée et brutale, de quoi faire oublier une oeuvre qui ne surprendra pas dans son schéma.
Le metteur en scène se montre à son aise derrière la caméra, que ce soit pour l'aspect dramatique ou celui sportif, à l'image de combats où l'on sent la sueur et les giclées de sang venant du ring. La construction du récit est assez simple mais sublimée, on voit la chute progressive de cet homme, celle d'un milieu corrompu, l'opposition entre les deux protagonistes, jusqu'à un final sans surprise mais cohérent avec les personnages, de quoi offrir à Bogie un chant du cygne digne de son talent et de sa classe.
The Harder They Fall nous permet d'admirer une dernière fois Humphrey Bogart, dans un rôle taillé sur mesure pour son talent, et il nous fait remarquablement vivre la descente aux enfers d'un homme ayant longtemps refusé de pactiser avec le diable, une oeuvre âpre, brutale et désabusée.
Adieu Bogie, intemporel privé, Rick Blaine, Philip Marlowe ou autre Fred Dobbs , tu meurs mais le 7ème art t'aura rendu éternel.