Un double objectif est poursuivi par ce petit film au rythme inhabituel : montrer la place qui reste à la poésie (place bien réduite) dans le Kazakhstan du XXIe siècle et rendre hommage au poète Makhambet Utemisov (1804-1846). C'est par les yeux de Didar, un jeune journaliste et poète, que l'on découvre avec lenteur et par petites touches - parfois avec ironie - ce qu'est devenue la jeune république des steppes d'Asie centrale, un pays où la "culture" de l'image a porté un rude coup à la littérature et où posséder un SUV représente le rêve de beaucoup d'habitants. Comment Didar va-t-il répondre à l'offre d'un entrepreneur qui souhaite que lui soit écrit un ouvrage vantant ses "mérites" ?
C'est par la lecture d'un livre de Makhambet que, tout en découvrant la vie brisée de cet écrivain engagé politiquement, Didar va progressivement prendre conscience de son rôle.
Malgré sa lenteur, une quasi absence de bande son, des dialogues rares et d'une grande sobriété, Poet se regarde sans ennui. Certains plans de visages sont d'une belle gravité ; la lumière du soleil couchant donne aux paysages de steppe une couleur magnifique, sans que la recherche esthétique soit appuyée, et l'on sourit à quelques scènes oniriques inattendues.
Le réalisateur et scénariste Darezhan Omirbayev revendique l'influence de Robert Bresson (1901-1999). Ceux qui se souviennent de ce metteur en scène inspiré en conviendront, mais Omirbayev a trouvé un style très personnel, bien éloigné de l'imitation de son modèle.
Poet n'est pas un film grand public mais il ravira les cinéphiles curieux et exigeants.