Je m'en voudrais de tirer des généralités sur la base de certains avis lus sur ce film.
Une généralité est, on le sait, la première composante du racisme, une paresse intellectuelle coupable, un défaut d'analyse qui arrange son auteur, qui ne veut s'embarrasser (ou embarrasser son auditoire) de complexités qui oblige à affiner le discours et comprendre le fond des choses. Ainsi, définir une génération à l'aune de quelques critiques puisées chez les plus jeunes spectateurs du site serait une terrible erreur, doublée d'une facilité qui ne contribuerait pas à mettre l'auteur de ces lignes en valeur.
D'autant que la capacité d'un grand nombre de célébrer le bousin du moment ne date pas d'hier, l'aveuglement, volontaire ou non, est à peu près aussi vieux que l'art lui même.
(sans parler des erreurs des artistes, de celles des critiques ou des temps eux-mêmes: prenez le cas du bousin célébré par la génération suivante car ce qu'il se fait depuis est encore pire-).
Néanmoins, on ne m'ôtera pas totalement de l'idée qu'écrire un scénario décent autour de scènes d'actions spectaculaire est désormais un tout petit peu superflu pour une partie des jeunes movie-addicts. Ainsi, beaucoup de ceux qui ont apprécié cette ode à la testostérone glissante, cette page de pub venue ponctuer une séance un peu étrange, ne sont, visiblement, pas embarrassés par certains détails rigolos: l'ancrage de yachts juste à côté d'une grande vague unique (mais qui ne cesse de passer), la possibilité de trouver "la vieille gare de Paris" en descendant d'un taxi, ou la synchronisation parfaite des actions des personnages, alors même qu'ils se poursuivent d'un point à l'autre du globe.
Le gigantesque fatras idéologique qui anime les héros (?) et les méchants (??) ne gêne pas grand monde non plus. Un optimisme débridé consisterait à trouver qu'il s'agit ici d'une fine et volontaire illustration des dérives de l'époque. Je ne suis pas sûr que les scénaristes aient poussé la finesse d'un surprenant second degré aussi loin. Mais je peux me tromper.
Ainsi, nous voilà confrontés à un ex-athlète youtubeur salement tatoué, devenu membre du FBI par conviction profonde (son nouveau boss ne comprend d'ailleurs pas ce revirement. C'est marrant, parce que nous non plus), qui pourchasse avec frénésie d'autres poly-athlètes vaguement eco-warriors (il y aurait la aussi tant à dire!) qui osent s'en prendre aux intérêts des multinationales. Et je passe sur l'histoire des 8 épreuves qui est tellement nébuleuse que les scénaristes ne s'attardent pas une seconde dessus, de peur que même le public de moins de 10 ans ne se rende compte à quel point tout ceci est ridicule.
Dernier indice d'un glissement progressif des choses dans une direction que personne ne maitrise complètement, la durée du générique de fin.
Si on est passé en près de 120 ans du simple panneau "the end" à de véritables court-métrages à l'intérieur du film, c'est pas dû qu'à la simple multiplication des tâches nécessaires à la confection d'un bollockbuster©.
En plus des simples redites (les noms principaux revient plusieurs fois), on est entré dans un soucis du détail qui a tendance à rendre les choses proches de l'absurde.
Que le nom de chaque pilote d'hélicoptère de chaque séquence apparaisse, pourquoi pas, je l'admets bien volontiers. Mais est-il bien raisonnable de mentionner la responsable de la machine a café de la boite de production qui a participé à moins de 5% du financement du film, ou d'inscrire le nom de l'ensemble des membres du cabinet d'assurance auxquels ont souscrits les chauffeurs de véhicules ayant transportés sur le plateau des animaux domestiques présents trois secondes à l'écran (les animaux, pas les chauffeurs) ?
Le tout pour pas moins de 14 minutes et 47 secondes à l'écran. Il me semble qu'on ne doit pas être très loin d'un record.
Il fallait évidemment se douter que le résultat du remake stupide d'un film à la base un peu benêt (mais assez sympathique malgré tout) ne pouvait pas atteindre d'autres sommets que celui qu'arpente ses personnages invincibles. Il n'était cependant pas écrit qu'ils parviennent dans le même temps à sonder les profondeurs insoupçonnées des failles océaniques les plus inquiétantes et ainsi arpenter en explorateurs intrépides les étendues obscures et infinies de la stupidité scénaristique.
Le nouveau théorème est implacable: quand on ajoute de la décérébration à de la décérébration, le résultat est exponentiel. Seule l'abstraction mathématique peut donner une idée du vertige obtenu à l'écran, qui pour le coup n'a besoin d'aucune 3D.