Oh la vache! J’ai vu ce film quand j’étais ado. C'était à l’époque un film culte dès sa sortie, parce que la mode du surf battait son plein, parce que Keanu Reeves et Patrick Swayze incarnaient le summum de la coolitude californienne. Déjà à l’époque je n’étais pas réceptif de ces conneries. Je gardais le souvenir d’un film qui m’était passé au-dessus de la tête. Il m’avait un peu ennuyé et je ne comprenais pas le barouf qu’il suscitait.
Aujourd'hui, je tombe littéralement des nues : le film est très mauvais ! La direction d'acteurs est nullissime ; ils sont tous puants ; la réalisation est également dégueulasse ; le propos est d’une rare médiocrité. Il se place royalement en tête des films définissant selon moi le vieillissement prématuré. A la limite du nanar : je n’ai pas pu m'empêcher de pouffer à plusieurs reprises. Ce n'était pas assez systématique pour qu’on parle sérieusement de nanar, mais on n’est pas si loin.
D’abord, l’histoire aurait pu être excitante, même si elle est d’un grand classicisme : un policier infiltre une bande de surfeurs afin de découvrir l’identité des braqueurs qui dévalisent les banques de la région. Mais tous les poncifs du film testostéroné dégoulinent les uns après les autres, tout le long du film : les collègues antipathiques, le boss colérique éructant son mépris en permanence, les donuts et les sandwichs en planque, les seniors qui serinent aux rookies qu’ils exerçaient déjà quand ces derniers étaient encore en couche-culotte (on a droit deux fois à cet ultime argument d’autorité), les “fuck” remplaçant les virgules, etc.
Je passe les innombrables et non moins irrésistibles faiblesses scénaristiques dans l’évolution de l'enquête, la façon dont les flics font par exemple le lien entre surfeurs et braqueurs, hautement improbable, dont la scientificité est à mourir de rire. Toute l’intrigue est peu réaliste, surtout avec des personnages aussi limités.
Le manque de crédibilité de l’histoire pose forcément des problèmes dès lors qu’on essaie de s’attacher aux protagonistes. Or, ces derniers n’ont pas grand chose pour eux, pour les rendre un tant soit peu sympathiques. C’est tellement mal écrit ! Des caricatures sur pattes.
J’avais déjà remarqué le goût de Kathryn Bigelow pour l’image simpliste de la virilité dans Démineurs. Dans Point break, elle atteint le paroxysme de la vulgarité. Sa mythologie masculine confère à ces messieurs des pouvoirs très communs : ils se mesurent la bistouquette en permanence. Entre les parties de foot américain sur la plage, les bastons pour refus de priorité sur une vague, les rixes entre flics, les confrontations torse contre torse sont légions et ponctuées de râles gutturaux en guise de paroles. Les orgueils couillus remplissent le film ad nauseam.
Kathryn Bigelow aime les hommes qui sentent sous les bras. Soit, mais en plus, il faut que ces coqs restent sans cervelle, fascinés par le danger. Comme s’il définissait leur virilité. Cette tentation suicidaire est partout présente dans ce film, surtout avec les deux héros principaux. Cette obsession est sans aucun doute pour beaucoup dans la fascination que le film a suscité chez les adolescents à l’époque. Mais ses limites se font sentir très vite. L’enrobage pseudo-philosophique sur le sens de la vie, style écolo-new-age, anarcho-surfiste, contre la société de consommation, le danger faisant sens à la vie, etc… tout ce charabia ras du bulbe correspond finalement bien à l’infantilisme plombant du film.
DEBUT SPOILER
Et du coup, quand Patrick Swayze essaie de justifier la violence, le crime et le risque qu’il fait prendre à ses copains, son personnage se noie dans une incohérence imbécile. Son air de benêt attendant la grande vague, comme on attend le Père Noël, fout en l’air le peu d’estime qu’il avait pu suscité jusque là. Il était sans doute le personnage le mieux incarné. Mais à la fin, il semble tout aussi crétin que les autres.
FIN SPOILER
Les deux pires restent Keanu Reeves et Gary Busey. Concours de tanches : difficiles à départager. Mon cœur balance. Je préfère nettement un Keanu Reeves sobre, à la Matrix. Ici, le tout juste post-pubère roule des mécaniques et nous sort une voix de stentor pas très bien maîtrisée, forcée. On sent qu'il a mué il y a peu. Il appuie pour faire plus viril. Gary Busey n’a jamais fait dans la dentelle. Pas de surprise. Je me demande s’il a jamais joué autrement.
L’ensemble du casting est mauvais, surjouant, se reposant, que ce soit avec la gestuelle ou les tonalités, sur des stéréotypes. A la fin, on a le sentiment d’avoir avalé un gros gloubiboulga de clichetons.
Jeux indigestes que la réalisation très près du corps, caméra à l'épaule, rend encore plus nauséeuse. Le montage très serré fait empirer la sensation d’asphyxie parfois. On manque de respiration, de plans larges, de secondes pour mieux situer l’action. Résultat des courses : on s’ennuie, même pendant les courses poursuites. Certes, depuis on a connu pire, mais c’est déjà le début de la mode épileptique dans le montage, qui me fait déjà suer.
Entre la médiocrité du propos, les acteurs calamiteux et la réalisation cradingue, il y avait peu de chances que ce film puéril trouvât grâce à mes yeux.