Descendu en flammes par la critique, ignoré totalement du public, hum, cela sent bon le film maudit. Et comme Leos Carax est le cinéaste maudit par excellence, ça renforce encore plus la mauditude (oui, je m'octroie le droit au néologisme !). Mais il y a une chose qu'il est bon de mettre en avant, c'est que "mauditude" n'est pas forcément synonyme d'"excellence", que la critique peut avoir eu raison de descendre en flammes le film en question, que le public a eu toute légitimité de l'ignorer. Ouais, bref, vous avez certainement deviné à ce stade que je n'ai pas du tout aimé Pola X.
C'est adapté d'un roman d'Herman Melville intitulé Pierre: or, The Ambiguities que je n'ai eu encore la chance de lire, mais je le ferai certainement, car ce que le film semblait vouloir raconter parait intéressant. Oui, "sembler" et "paraître", car il n'est pas trop difficile d'entrevoir ce que le réalisateur voulait raconter, mais il n'y parvient pas.
C'est dommage, car il y a des moments visuellement magistraux, à l'instar de ce cauchemar ensanglanté ou de ce final fracassant, dans tous les sens du terme, qui aurait mérité d'être précédé de deux heures à la hauteur. C'est dommage, car Guillaume Depardieu se montre convaincant quand son personnage plonge la tête la première dans l'éruption de violence, car Delphine Chuillot donne un contraste intéressant entre son physique de petite fille sage BCBG et la force acharnée de son amour.
Encore aurait-il fallu que le protagoniste, dans sa descente aux enfers, ne tombe pas dans un conflit inutile toutes les cinq secondes, le rendant quasi-hystérique. Ce qui a pour conséquence que trop d'excès tuant l'excès, ben, la puissance des moments (qui auraient pu être !) intenses est considérablement amoindrie. Encore aurait-il fallu que Delphine Chuillot ne soit pas clairement sous-exploitée. Elle apparaît beaucoup trop peu pour que son personnage puisse marquer. Et pourtant, le potentiel était fort à ce niveau-là. Ce qui est symptomatique d'un film qui ne s'appuie que sur des fulgurances sporadiques et non pas sur une continuité narrative qui approfondirait bien les personnages et les rebondissements, ne pensant pas à faire avancer son intrigue progressivement, mais par à-coups.
J'ai parlé précédemment de sous-exploitation. Je pense que le pompon en revient à Catherine Deneuve, dont le personnage ne sert à que dalle, si ce n'est à essayer de donner une espèce de vernis subversif en appelant son fils son frère... ouah, c'est trop subversif, n'en jetez plus... Ouais, en fait, c'est ridicule et ne donne que de la fausseté aux scènes entre elle et Depardieu. Mais pour revenir au fait qu'elle ne sert absolument à que dalle, ben, vous l'enlevez et vous verrez que cela ne change absolument rien d'essentiel au scénario et aux motivations des actes des autres personnages.
Quant au choix de Katerina Golubeva, je ne crois pas que c'était très sensé de lui faire endosser le rôle de l'objet aimé passionnément, jusqu'à la destruction. Déjà, ça tombe dans la caricature de la fille de l'Est bien misérable (dans cette optique, la séquence dans laquelle la petite fille meurt est un summum ; d'ailleurs, la mise en scène de la gifle, ayant pour conséquence de la tuer, est tellement grotesque que cela en devient involontairement et horriblement drôle !), car elle ne fait que prendre un air éprouvé tout du long sans varier d'un iota, et ensuite donner de longues tirades à une comédienne qui ne maîtrise pas très bien la langue de Molière, c'est bof. Il est difficile de comprendre plus d'un mot sur quatre et lors de son interminable logorrhée où elle se présente au personnage principal comme sa belle-sœur, j'ai plus ressenti de la lassitude et de l'embarras qu'autre chose, que, par exemple, un truc tout con qui s'appelle "émotion".
Les substantifs "mauvais" et "maudit" commencent par le même préfixe, mais ils peuvent aussi avoir de temps en temps le même sens. La preuve malheureusement avec ce film.