Film étrange et composite, Police est peut-être l’un des moins représentatifs du travail habituel de Pialat. Casting de stars, gros moyens, on peut voir en lui une tentative d’accès à un plus large public, notamment à travers un récit étonnamment classique qui lorgne du côté du polar mélodramatique. Le jeu assez hétéroclite des acteurs peut poser certains soucis de continuité, tant on peut être subjugué par les uns (Depardieu et Bonnaire, souvent Marceau) et d’autant plus gênés par les autres (Anconina en tête, et quelques seconds couteaux).
C’est pourtant bien un auteur qui est aux commandes, ce à quoi on assiste surtout dans la première partie du film, par l’approche documentaire. On parle de tous côtés, sans temps morts, les portes claquent comme les gifles et les flics, Mangin en tête, font leur show déchanté.
L’écriture des interrogatoires, très fine, permet des échanges d’une grande intensité qui suit une progression vers des sommets de tension comme seul Pialat sait en diriger. Face à un mur de mensonges, les flics se démènent, multiplient les stratégies pour obtenir la vérité… voire celle qu’ils veulent entendre pour estimer avoir fait leur boulot.
Renvoyés dos à dos, gendarmes et voleurs alimentent une comédie humaine mesquine et médiocre, se cachent derrière un code (la loi, la famille) qui justifie violence et coups bas. Il est d’ailleurs très intéressant de voir comment Pialat passe son temps à faire se mélanger les groupes : flics et voyous, avocat qui fréquente tout le monde, gangsters aux alliances instables.
Dans la deuxième partie, le récit prend le dessus sur la visée documentaire. Ce n’est pas toujours entièrement convaincant, car plutôt convenu dans certains développements (le vol de la sacoche, les prises d’otage, etc.). La tentative, en revanche, de donner accès à la vie privée de Mangin est plutôt réussie. De plus en plus fragile, de badinages en aveux, du machisme de façade à la recherche d’une tendresse perdue, Depardieu (ce Depardieu du passé, auquel il faut retourner régulièrement pour mesurer l’immensité du talent) décape progressivement son personnage jusqu’à ce regard final véritablement bouleversant, accompagné de l’unique musique extra-diégétique du film, la tout autant bouleversante symphonie N°3 de Gorecki.

http://www.senscritique.com/liste/Top_Maurice_Pialat/340377
Sergent_Pepper
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Auteur français, Psychologique, Social, Mélange des genres et Top Maurice Pialat

Créée

le 17 nov. 2013

Modifiée

le 17 juin 2014

Critique lue 2.2K fois

52 j'aime

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

52

D'autres avis sur Police

Police
EricDebarnot
7

Pialat dans le petit monde du "polar français"

A la sortie sur les écrans de "Police", il faut bien se souvenir que nous avions été un peu déçus : il nous semblait alors que la fameuse "méthode Pialat" tournait un peu à vide dans le monde du...

le 14 juil. 2016

13 j'aime

Police
Alligator
9

Critique de Police par Alligator

Mon premier Pialat! Je suis content, je ne suis pas cocu mais je suis content quand même. J'avais vu Loulou, A nos amours quand j'étais jeune, j'avais vu Van Gogh approximativement, j'avais vu Police...

le 28 déc. 2012

5 j'aime

1

Police
Fatpooper
7

Polamour

Chouette film. J'ai vu une interview de l'auteure qui explique que son premier jet a été rejeté et est devenu par la suite "Sale comme un ange" que je n'avais que très moyennement apprécié. On...

le 5 déc. 2020

4 j'aime

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

617 j'aime

53