« J’ai jamais aimé personne »
Film étrange et composite, Police est peut-être l’un des moins représentatifs du travail habituel de Pialat. Casting de stars, gros moyens, on peut voir en lui une tentative d’accès à un plus large public, notamment à travers un récit étonnamment classique qui lorgne du côté du polar mélodramatique. Le jeu assez hétéroclite des acteurs peut poser certains soucis de continuité, tant on peut être subjugué par les uns (Depardieu et Bonnaire, souvent Marceau) et d’autant plus gênés par les autres (Anconina en tête, et quelques seconds couteaux).
C’est pourtant bien un auteur qui est aux commandes, ce à quoi on assiste surtout dans la première partie du film, par l’approche documentaire. On parle de tous côtés, sans temps morts, les portes claquent comme les gifles et les flics, Mangin en tête, font leur show déchanté.
L’écriture des interrogatoires, très fine, permet des échanges d’une grande intensité qui suit une progression vers des sommets de tension comme seul Pialat sait en diriger. Face à un mur de mensonges, les flics se démènent, multiplient les stratégies pour obtenir la vérité… voire celle qu’ils veulent entendre pour estimer avoir fait leur boulot.
Renvoyés dos à dos, gendarmes et voleurs alimentent une comédie humaine mesquine et médiocre, se cachent derrière un code (la loi, la famille) qui justifie violence et coups bas. Il est d’ailleurs très intéressant de voir comment Pialat passe son temps à faire se mélanger les groupes : flics et voyous, avocat qui fréquente tout le monde, gangsters aux alliances instables.
Dans la deuxième partie, le récit prend le dessus sur la visée documentaire. Ce n’est pas toujours entièrement convaincant, car plutôt convenu dans certains développements (le vol de la sacoche, les prises d’otage, etc.). La tentative, en revanche, de donner accès à la vie privée de Mangin est plutôt réussie. De plus en plus fragile, de badinages en aveux, du machisme de façade à la recherche d’une tendresse perdue, Depardieu (ce Depardieu du passé, auquel il faut retourner régulièrement pour mesurer l’immensité du talent) décape progressivement son personnage jusqu’à ce regard final véritablement bouleversant, accompagné de l’unique musique extra-diégétique du film, la tout autant bouleversante symphonie N°3 de Gorecki.
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