A la sortie sur les écrans de "Police", il faut bien se souvenir que nous avions été un peu déçus : il nous semblait alors que la fameuse "méthode Pialat" tournait un peu à vide dans le monde du polar français, et l'on ne retrouvait pas assez le "chaos sublime" qu'il suscitait d'habitude au cœur de ses films. Le commissariat de Pialat semblait un pur espace de représentation, une sorte de sphère mentale, à l'intérieur de laquelle la répartition des rôles était par trop rigide : chacun y joue son emploi avec vigueur (les flics cognent, les inculpés mentent), alors que dehors, dans un Paris nocturne et sensuel, les contours sociaux s'atténuent. Néanmoins, malgré cette frustration devant une certaine artificialité du film, inhabituelle chez Pialat, la toute dernière partie du film, la meilleure, qui montrait la fraternisation des opposés, nous offrait enfin une certaine euphorie, digne des grands moments du cinéma de notre réalisateur français préféré.
En fait, on trouve aujourd'hui que "Police" a paradoxalement bien vieilli, parce que la dose de réalisme - à la fois cru et doux - qu'il injecte dans la description du monde (limite brutal et stupide) des petits truands et des petits flics parisiens, ramène l'habituelle dramatisation du récit policier à ce qu'il n'a jamais cessé d'être : des aventures banales d'êtres médiocres qui se rêvent plus grands qu'ils ne le sont. Bien sûr, il est difficile de trouver cette approche excitante, mais il est indéniable que le génie de Pialat s'y reconnaît entier : cette manière de faire du réel (les scènes d'interrogatoire, pourtant assez stéréotypées, peuvent évoquer Depardon) tout en fouillant la chair et l'âme de personnages fondamentalement inadaptés à leur fonction sociale. A ce jeu-là, Depardieu excelle particulièrement, et les dernières scènes, intimes, montrent quel grand acteur il a pu être... [Critique écrite en 1985 et complétée en 1992]