L'image que je gardais de Police fédérale Los Angeles s'était incroyablement déformée avec le temps. Six ans après le dernier visionnage, tous les stéréotypes que le film entend dévoyer s'étaient conformés à leur moule originel, formant dans mes souvenirs une œuvre très éloignée de ce qu'elle représente en réalité.
Un des arguments de base de To Live and Die in L.A., qui à mon sens sous-tend l'ensemble, consiste à épouser une série de clichés propres au genre, à savoir le thriller policier aux parfums de buddy-movie typique des 80s avec son tueur psychopathe et son duo contrasté de flics, et à réduire ces poncifs en cendres après avoir sauté dessus à pieds joints et en avoir fait un joli feu de joie. L'expérience est d'autant plus troublante qu'en dépit de tous les signaux de désuétude qui nous reviennent en pleine gueule aujourd'hui, marque de fabrique de cette fameuse décennie (musique, style vestimentaire ou capillaire, esthétique générale), la violence du propos parfaitement nihiliste reste intacte — peut-être qu'elle se trouve même augmentée par cette antinomie. William Friedkin a beau cultiver un petit cortège de maladresses régulières et autres fautes de goût patentes, cela n'affecte pas franchement la perspicacité du film.
La pourriture est absolument partout, au boulot et à la maison, chez les criminels comme chez les flics, à tel point que les notions de bien et de mal, de gentils et de méchants, s'avèrent parfaitement inutiles. Le film travaille également une dynamique de répétition, annoncée par le titre original (cette traduction française, encore une fois...) : des gens meurent, mais sont aussitôt remplacés par les suivants, et la ronde infernale de l'immoralité se perpétuera vraisemblablement à jamais. Ici aussi, encore une fois, Friedkin se montre assez maladroit dans l'illutration de cette propagation : on a du mal à y croire à cette image de fin, à la transformation du good bad guy incarné par le sidekick un peu falot de Petersen... Reste le propos.
Los Angeles n'aura jamais semblé autant gangrénée par le vice, par la violence, par le cynisme fusant dans toutes les directions. Les intérêts personnels semblent être les seuls moteurs. Les trafiquants sont des peintres à leurs heures perdues, les flics n'hésitent pas à outrepasser leurs prérogatives pour accomplir leur mission. Chose que j'avais totalement oubliée, et qui a ainsi conservé toute sa puissance : la mort qui surgit de manière aussi brutale que subite, conférant à la dernière partie une noirceur crépusculaire surprenante. Quelques images subliminales viennent à côté de cela assombrir le portrait intérieur de Petersen, sombrant progressivement dans la folie aveugle et meurtrière, achevant ainsi un tableau profondément ambigu de l'enfer ici-bas.
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