Flic story

Un film policier ambitieux mais austère, à forte visée documentaire - à mi-chemin entre "Detective story" de William Wyler et "Gideon's day" de John Ford.
Le réalisateur Maurice de Canonge souhaite montrer avec un maximum de réalisme et d'authenticité le fonctionnement de la PJ parisienne, installée au célèbre 36, quai des orfèvres.

Pour ce faire, de Canonge obtient l'autorisation de filmer sur place, montrant au spectateur les méthodes de travail modernes de la police : balistique, dactyloscopie, archivage sur cartes perforées, analyses chimiques...
On est désormais loin du flair à la Maigret ou du bertillonnage du début du siècle : les policiers sont présentés comme des professionnels accomplis, disposant d'outils efficaces.

La visée documentaire de "Police judiciaire" se traduit par le choix de suivre plusieurs affaires entremêlées (4 principalement), dont certaines ne connaîtront pas de résolution claire à l'issue du film - un parti-pris audacieux pour l'époque.

Malgré un gros travail sur le montage, le problème pour le spectateur réside dans cette accumulation de noms et de visages - suspects, témoins et policiers divers impliqués dans toutes ces enquêtes : la première demi-heure en particulier requiert une attention soutenue, sous peine de vite se sentir perdu...
D'autant plus perdu que la mise en scène repose surtout sur les dialogues lors des auditions, ou sur la valorisation des outils de travail : par exemple, on ne se rend pas sur la scène de crime, celle-ci nous est présentée par une étude des plans dont disposent les policiers.

Ces affaires apparaissent d'un intérêt inégal, mais permettent de montrer différentes facettes du métier : c'est le double homicide dans un petit hôtel qui bénéficie du traitement le plus approfondi, permettant en prime de croiser la ravissante Anne Vernon, dans le rôle d'une prostituée.
Quelques grammes de féminité dans un monde (et un film) très masculin, dans lequel on croise d'innombrables seconds rôles, parfois pittoresques (Daniel Cauchy, Jean Tissier, Denise Grey...), tandis que l'équipe de flics s'articule autour d'Henri Vibert, Yves Vincent et Robert Manuel.

On pourra reprocher à "Police judiciaire" son aspect très valorisant pour la police, il s'agit presque d'un objet de communication à destination de l'opinion publique.
Mais de Canonge prend soin de montrer des policiers non dénué de failles, à l'image d'Yves Vincent et son numéro de dragueur mal assumé, et surtout de Jean Lara qui incarne un flic ripou (même si la chose est présentée de manière plus feutrée).

Cet instantané du travail de police judiciaire à la fin des années 50 n'intéressera donc qu'un public restreint, qui trouvera dans le film un formidable témoignage de cette époque révolue.
Les autres risquent d'être désappointés par son aspect austère et peu spectaculaire (d'ailleurs les rares scènes d'action apparaissent plutôt ratées).