Le duc d'Orléans
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J’ai attendu très longtemps avant de me frotter au polar façon Alain Corneau. Des brides de ses films par-ci, par-là, ne m’avaient totalement convaincu étant jeune, mais j’avais le sentiment qu’il s’agissait d’un cinéma mature et que j’avais moi-même besoin d’être prêt. En me plongeant dans le premier de la liste, l’attente était grande et force est de constater que la déception l’est presque tout autant. Si le résultat est indéniablement solide, je le trouve trop marqué par son ton melvillien avec son intrigue tragique et ses portraits désespérés de personnages qui courent à leur perte. Bien sûr, je n’ai rien contre Melville, mais sa science de l’horlogerie m’agace par moments. Et je retrouve ici cette même obsession mais en moins bien. Corneau n’est pas Melville et ses personnages tourmentés ne semblent pouvoir être que des personnages de fiction, ce qui est, à mon sens, une faiblesse quand on entend s’inspirer du cinéma américain et de son goût pour l’authenticité. Mais ce qui me chagrine peut-être le plus est le récit en lui-même. Pensé comme une tragédie où des personnages au fond suicidaires se poussent les uns les autres à la mort, l’ensemble prend des allures d’une mécanique trop bien huilée pour surprendre. Le spectateur est le témoin de ces chutes inéluctables, lesquelles manquent de ressort pour sortir des chemins balisés.
Dans son univers, Alain Corneau se montre sans espoir avec ses personnages. Ils ne sortiront pas du piège dans lequel ils sont enfermés et, en voulant se débattre, ils s’enfonceront davantage. On retrouve le principe de la tragédie grecque dont son cinéma assurément s’inspire, à l’image de celui de Melville. On retrouve dans cet univers, une ville grise, des lieux nus ou figés tels les intérieurs des deux principaux protagonistes, le froid, l’anonymat et une musique spectrale à vous jeter par les fenêtres. Les mots y sont peu nombreux et les scènes lentes et silencieuses renvoient, une nouvelle fois, vers Melville. Au cœur de ce temps qui avance lentement mais irrémédiablement, quelques fulgurances interviennent au travers d’une fusillade ou d’une empoignade mais celles-ci sont sèches et désincarnées. Ce n’est pas un défaut mais un choix du réalisateur, à l'image d'un final aux allures de fin du monde.
Personnellement, ce n’est pas trop ce que j’attends d’un polar. C’est bien fichu, l’atmosphère lourde est remarquable, la déchéance des personnages parfaitement dépeintes, mais c’est trop lent pour me passionner, et, surtout, c’est trop écrit pour sembler réaliste. L’interprétation est parfaite, tout est bien maîtrisé, c’est intéressant mais pas davantage à mes yeux.
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Créée
le 9 avr. 2024
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