Autre joyeux luron de la nouvelle vague du cinéma roumain des années 2000, Porumboiu opère dans un registre similaire à celui de ses petits collègues, à savoir un mélange de cinéma réaliste, conceptuel et politique avec toutefois une touche d’humour absurde presque métaphysique sur la société roumaine et l’humanité en général.
Bien sûr, la radicalité du film peut dérouter voire ennuyer certains, ennui qu’ils s’empresseront de camoufler par des reproches sur un supposé didactisme théorique.
Alors oui le film déroule évidemment une réflexion morale tout au long, mais à l’intérieur de laquelle il nous donne à voir énormément de choses en excès par rapport à sa thématique, en particulier un humour à combustion lente et une ironie exquise qui se dégage de la majorité des situations tout à fait banales mais dont la caméra réussit à extraire l’absurdité drolatique. Cet humour ne peut fonctionner que grâce à la longueur des plans fixes et de la très habile utilisation du hors-champ qui font émerger cette impression de réalité des petits gestes et des petites répliques, qui annihile tout le côté théorique qu’il peut avoir en le rendant plus concret, plus incarné.
Si les longues scènes de filature, entre du Bresson et du Fenêtre sur cour, donnent un aperçu mystérieux des suspects, elles permettent aussi de faire ressortir en contraste le sel ironique des petites interactions de Cristi dont le point commun serait la banale drôlerie du quotidien et de la routine.
De tracas bureaucratiques en incommunicabilités humaines, le film converge vers son climax dramatique étonnant qui réunit avec un naturel et une subtilité parfaites, la question morale décisive et l’absurdité des comportements humains face à elle. S’engage alors une réflexion qui mêle choix moraux individuels et effets de structure des institutions, l’orientation de celles-ci par la bataille sémantique (dans le dictionnaire et dans l’hilarant running gag sur les mots des malfrats contre ceux des policiers) et la cruauté d’un système qui, comme ça, l’air de rien, de réunions en préparations à l’intérieur de bureaux sinistres, détruit la vie d’un théorique et abstrait jeune lycéen. Au nom de la loi.