Ha ! Je vois qu'il est de bon ton de mal-aimer Polisse, le film que les conoisseurs (de fin chocolat) trouvent sans âme, raciste et j'en passe. Ah, que j'aime. Dire alors, que, vraiment, nous sommes en face d'un de ces films qui échappe à son auteur pour prendre sa hauteur (ho-ho !).
C'est simple. On aura peu d'occasion au cinéma de voir toute la complexité croisée, magmatique, latente et rampante du groupe humain que l'on nomme société, aussi fortement jetée à la figure du spectateur. Pour le coup la dimension humaine est sur toutes les épaules, et en vertige continu. Au contraire peut-être d'une apparence du script, le film n'arrive pas (il le voudrait tant) à réduire qui que ce soit à quoi que ce soit. Tous les clichés exprimés en masse sont immédiatement rendus caduques par le regard perdu dans le vague (existentiel) des protagonistes qui n'y croient pas (aux clichés).
Ils ne peuvent que faire ce qu'ils peuvent, et tous savent que ça n'est pas assez. Ca pourrait presque être en sous-titre du film "le mieux ne sera jamais assez", il y a ce fond de misère humaine que certains doivent se prendre dans la gueule pour les autres. Et tous savent que ça les détruit petit à petit - là est l'élément véritablement tragique de leur existence. Travail de Sisyphe, si on veut.
Le ton est si juste que c'en est presque dégoûtant.
On aimerait se contorsionner en joutes verbales pour récupérer ce qui nous est montré dans des cases confortables (i.e. le film est partial, blahblahblah). Il ne faut pas. Il faut au contraire prendre le temps de saisir pleinement le seul artifice de mise en scène, final, ce ralenti sur "la chute" (en parlant d'existentialisme...) qui exprime le fond du fond.
Où quand faire le mieux, dans une société donnée, c'est se détruire le mieux soi-même, se sacrifier en somme et en parties, abandonné sur sa croix devant ceux qui ne la regardent même plus. Ouf.
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