C'est suite aux critiques combinées des excellents Drélium et RealFolkBlues que je me suis décidé à prendre la plume pour parler de ce film qui a hanté ma jeunesse et a participé à l'éveil de mon goût pour les films fantastiques et d'épouvante.
Car oui, Poltergeist fait peur. Doublement peur en fait, car il dérive vers le film fantastico-horreur après une mise en place toute spielbergienne avec ses thèmes habituels, la famille, la mise en place d'un territoire social (déménagement, relations avec les voisins) l'irresponsabilité sympathique d'un papa grand enfant et d'une femme qui accepte cet aspect (là où souvent, c'est là que ça coince dans les films de Spielberg), les phénomènes paranormaux vu par les yeux des gosses avec la dose d'émerveillement...etc.
Il y aurait presque un parallèle à faire entre Spielberg et Stephen King à cet égard. Je n'aime pas trop King (ni Spielberg, d'ailleurs) et je ne le considère pas comme un grand auteur, par plus que comme le roi de l'horreur, mais il faut admettre qu'il y a dans son univers des constantes qui lui donne un goût de reviens-y, quelque chose de familier, qui malgré mon aversion pour ses romans une fois passés mon adolescence, a continué à me séduire à distance.
Mais bref, ce setting est on ne peut plus classique, tout à fait dans le ton de n'importe quel film générique familial américain des années 80. On se demande d'ailleurs ce que fait Tobe Hooper, où est passée sa verve, sa puissance expérimentale, son génie de la mise en scène à l'oeuvre dans Massacre à la Tronçonneuse. Et on se le demandera jusqu'au bout, puisque même dans les pics d'horreur, de morbidité du film, l'ombre de Spielberg éclipse la marque de Hooper (mais ce dernier a-t-il une marque ? Car à part le gigantissime Massacre..., et l'étrange mais défendable Crocodile de la mort, y a-t-il quelque chose d'excitant dans sa filmographie ? Je l'espère, mais pour l'instant, je n'ai eu droit qu'à de la déception...), pour le pire mais aussi pour le meilleur. Car on baigne dans une sorte de magie, certes infantilisée, mais palpable, une ambiance mystérieuse et chargée émotionnellement, cette ambiance qui aura su nous faire rêver dans Rencontre du Troisième Type et ET, ce socle commun qu'on retrouvait dans la plupart des films "familiaux" de l'époque, et qui semble avoir déserté le cinéma dès les années 90, laissant sombrer le divertissement familial dans le grotesque et l’aseptisé.
Bien que ce soit en grande partie un huis-clos, le film nous fait voyager, au delà des bornes de la réalité, et il y a une dimension aventure en filigrane qui traverse tout le film.
L'idée de mondes parallèles superposés occupant le même espace m'avait tout bonnement retourné la tête quand j'avais dix ans, et cette dimension reste une force à mes yeux aujourd'hui, et s'avère très bien gérée.

Oui, j'ai vu ce film au bon âge, et j'en ai cauchemardé des mois durant, les quelques basculements dans l'horreur étant particulièrement prenant, l'arbre, le clown, le miroir, entre quelques autres.
Mais je ne pense pas qu'il se limite à son capital sympathie pour ceux qui l'ont vu à l'époque. Je crois que Poltergeist est un bon film. Touchant, prenant, amusant, passionnant, il implique peut-être d'être capable de voir un film avec un regard d'enfant ou la nostalgie de l'époque où l'on ne prenait pas les enfants pour des débiles, où l'on approchait le film familial avec de vraies prétentions cinématographiques, on osait des Gremlins, des Ghostbusters, des LadyHawke (bon, celui-ci a un peu mal vieilli en fait), des Dark Cristal, des Indiana Jones, des Histoire sans Fin.
Poltergeist propose de vivre quelque chose. Il a ses failles, ses faiblesses, ses défauts, mais elles n'occultent pas ses qualités. L'incohérence du final ne vient pas gâcher la force globale de ce conte horrifique (...bon, un peu quand même, mais pas trop!).
Il fait partie de ces films que l'on vit, qu'on ne peut apprécier en en restant à la périphérie, car l'adulte ne pourra profiter de ce film qu'en en forçant l'entrée.
Mais il n'est pas exclu pour autant, il faut juste qu'il veuille se donner la peine d'entrer.

Ce n'est pas un grand film, mais c'est un film qui a une place dans mon coeur, et qui continue à me toucher, même avec l'âge et la distance critique tout deux grandissant...
toma Uberwenig

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