Lorsqu'on évoque Miyazaki et sa filmographie démentielle, on a tous notre petit préféré, celui qui nous a fait ressentir des sensations inoubliables. La magie d'un Totoro, l'enchantement d'un Chihiro, le conte de fée du Chateau Ambulant, ou la maturité d'un Nausicaa, mais on fait rarement mention de la poésie d'un Porco Rosso.
La force des récits contés par notre illustre narrateur Japonais, c'est d'avoir toujours cette double lecture proposée dans chacune de ses oeuvres, on pourra aussi bien être subjugué avec des étoiles plein les yeux face aux aventures de nos jeunes protagonistes que d'y lire des messages écologiques très fort qui valent toutes les campagnes culpabilisantes.
En ce sens si Totoro par sa naïveté apparente parle avant tout à mon âme d'enfant toujours présente dans un coin de ma tête, Porco Rosso s'adresse davantage à l'adulte que je suis devenu et qui continue de se construire à travers les années. Enveloppé dans une épaisse couche de nostalgie pleine de douceur, Porco Rosso est un somptueux poème qui entraîne son spectateur dans son monde faussement désuet dans sa forme mais tellement moderne dans son propos.
Condensé en 90 minutes, chaque dialogue résonne inlassablement, chaque note de musique composée par Joe Hisaishi magnifie son propos, chaque plan aérien enchante tel un coup de crayon impeccable aux symétries parfaites.
Avec cette démonstration de force, absolument tout peut être abordé sans avoir l’impression de bâcler et d'expédier son récit. Le féminisme, la vacuité de la guerre et des conséquences stupides ou la dénonciation du fascisme qui en découle sont avancés avec une telle subtilité qu'elle n'est jamais imposée mais toujours nuancée.
Miyazaki se permet même de se faire plaisir, passionné d'aviation, il en profite pour laisser parler ses rêves en nous livrant un véritable ballet inoubliable.
Mais son ultime alexandrin est ailleurs, il se dessine et s'articule autour de son héros solitaire, bien plus complexe qu'il n'en a l'air. Victime d'une étrange malédiction qui ouvre des pistes de réflexion, châtiment suite à la folie des homme constatée, ou se l'ai t-il infligé lui même après un chagrin trop profond laissant un vide incommensurable après avoir vu l'enfer de trop près.
Toujours est t-il que face à ses vices apparents, notre homme aux allures de cochon n'a rien perdu de son humanisme et de sa superbe.
Faux cynique mais vrai héros, sa personnalité et son aventure resteront à mes yeux la plus belle réussite du récit avec en bonus une mise en abyme des plus réussies dans un Milan d'époque.
Venez vite rendre visite à notre majestueux Porc Ailé qui vous entraînera à toute allure dans son univers intemporel. Porco Rosso est une oeuvre unique dans laquelle malgré son contexte d'entre deux guerres me rappelant l'atmosphère d'un Casblanca donne envie de rejoindre l'Hôtel Adriano pour y écouter Gina chanter le Temps des Cerises une dernière fois. Superbe.