Pororoca, pas un jour ne passe, est un film assez intriguant. Aucune grande star, pas de prix ou de grandes, renommés, le film roumain paraît passer inaperçu, mais plusieurs choses attire notre attention. Un thriller roumain, semblant s’inscrire dans ce renouveau du cinéma roumain, un film de 2h30, et surtout l’utilisation du terme pororoca, qui peut signifier quelque chose de ravageur, et avec un sujet comme la disparition d’un enfant, on est plus qu’intriguer par ce film qui se prétend ravageur. Alors, que vaut ce film ? Est-il un thriller peu conventionnel, un film ravageur comme il l’entend ? Pororoca est bien et bel un film ravageur, long, mais véritable coup pour le spectateur qui sort de là totalement désorienté.
Pororoca est un de ces films où on ne sait pas où il veut nous amener. En effet, le film commence par montrer cette famille, une famille normale avec des amis, vivant dans une résidence à Bucarest, une vie simple, une vie de famille comme une autre. Le film ne va pas faire des choses folles, il va simplement nous montrer la simplicité de cette famille, nous amener à l’intérieur de celle-ci. Le film prend son temps pour nous permettre de mieux rentrer dans cette famille, de mieux les connaître et ainsi que vivre le drame comme eux le vive. Et sur ce point, le film est brillant, le drame, la disparition qui arrive faites de manière folle. Nous avons droit à un plan-séquence de 17 min où le père est au parc avec ses enfants, durant longtemps le plan reste statique, il ne bouge pas, amenant ainsi le spectateur à observer chaque détail. Puis la petite fille disparaît, et là nous suivons le père courir partout à sa recherche, nous suivons sa peur, celle des autres familles, leurs réactions, nous suivons ça en direct, comme si nous y étions. L’immersion est totale et impressionnante, en plus d’un plan séquence, la scène est filmé probablement caméra à l’épaule, sa bouge beaucoup, mais ça ne fait pas amateur. En effet, ce sentiment de pression, de courir partout, d’être presque pressé, de vouloir absolument la retrouver se ressent à travers cette caméra qui suit constamment le personnage et va pas mal bouger, comme ça bouge à l’intérieur de ce père de famille.
La suite est absolument fascinante, après la recherche, la famille essaie de vivre, la recherche continue, mais nous voyons le quotidien familial et quelque chose semble disparu. Tout est calme, limite hostile, il n’y a plus de vivre ensemble, de famille, nous ne ressentons plus la notion de famille, mais presque celle de survie. Tout semble emmagasiné, tout semble enfui et à deux doigts d’exploser, le pororoca est en marche, le ravage est bien ressenti chez ces parents. Puis tout explose et c’est violent pour le spectateur. Celui-ci est imprégné de cette famille, de cette vie familiale, il ressentait chaque souffrance qu’avait cette famille après la disparition, il avait au fond de lui mal, toujours mal, tel les personnages, il se contenait, puis tout explose et pour le spectateur comme pour le père (la famille, mais surtout le père), la descente aux enfers commence. Cette descente au enfer est très très dure et douloureuse, le spectateur ne peut plus penser, il est perdu comme le père et tout ce qui arrive est dur et imprévu. Cette descente se conclut en apothéose de l’horreur avec une scène d’une brutalité sans nom, témoignant de la souffrance absolu de cette famille, du ravage qu’a provoqué la disparition et marque aussi l’achèvement du spectateur, celui-ci sort de la salle avec cette fin et plein de mystère. Le spectateur ne sort pas en restant sur sa faim, non, il sort en ayant plus faim, tant le film coupe.
Bien entendu, pour une intégration quasi-totale dans cette histoire, pour saisir la souffrance, bien là montrer, bien l’exploiter et bien la faire ressentir, le film prend son temps et le film est donc long, terriblement long, car on souffre, mais aussi, car le film est lent. Certaines scènes sont rien, parlent de rien, montrent rien, mais servent le film, d’autres scènes encore sont comme ce plan-séquence au parc, on retourne au parc avec un plan statique, un très long plan où le spectateur observe. Mais malgré la lenteur, il n’y a pas de calme, tout semble bruyant, comme une douleur enfoui qui hurle et qui veut remonter, le film fait cet effet, le film montre cela sans cesse et le spectateur peut avoir du mal à le capter (sauf à la fin) car il peut s’ennuyer devant le film. Malgré cela, le film est très bien réalisé, les longs plans, les plans-séquences et tout cette atmosphère, tout est là pour créer l’environnement idéal à la prolifération et à la diffusion de cette souffrance. Il faut aussi noter la performance plus que parfaite de Iulia Lumanare (elle joue la mère) qui parvient faire passer tout ce que le film veut faire. Mais il ne faut surtout pas oublier Bogdan Dumitrache (il joue le père) qui livre quelque chose de puissant, de fort, de terrifiant, de bouleversant, il joue plus qu’un rôle, il joue plus qu’un personnage, il le devient tout simplement, sa performance est bluffante et surtout vis-à-vis de son évolution durant les 2h30, c’est absolument incroyable ce qu’il livre.
Conclusion : Pororoca est un coup-de-poing, une descente aux enfers dans la souffrance extrême pour une famille, mais surtout pour un père après la disparition de sa fille. Un film qui brille par sa réalisation, mais qui demeure long, très long et lent.