Le film commence de manière un peu artificielle : photographie délavée type télévisuelle, cadrages volontairement mal fichus, caméra qui bouge dans tous les sens pour renforcer le réalisme des situations ... Tu le sens le film naturaliste qui va dire des grandes choses sur la société russe actuelle, hein, tu le sens ?

En fait, je pense que l'on survend et que le film survend lui-même sa pseudo-ambiguïté, subtilité. Alors qu'il s'agit quand même d'un portrait à charge un peu gratuit et très unilatéral qui pointe du doigt acerbement 1/ la corruption des autorités publiques en Russie 2/ la condition de la femme dans cette société masculinisée à outrance. Et c'est bien là que se situe le problème du film et que l'on sent que ça a été réalisé par une femme : le regard flirte souvent avec la misandrie un peu gratuite. Je pense à plusieurs passages-clés du film, la première scène de viol qui ne fait que renforcer un peu vainement le regard accusateur porté sur ces messieurs, mais aussi le rôle du mari, dépeint comme un pauvre connard lâche, infoutu de ne pas se faire cocufier ... Alors certes, le film se permet d'humaniser le personnage du violeur dans une certaine mesure mais tout cela demeure factice car l'approche est déterministe. Il s'agit simplement de rejeter la responsabilité sur la société toute entière.

Pourtant, le film ne fonctionne jamais aussi bien que dans ses dualités les plus extrêmes, les plus marquées. Je pense notamment aux scènes de sexe, franchement brillantes, dans leur alternance. De la première, molle sans plaisir, à la scène de viol qui se termine par la vision tétanisante de notre protagoniste la tête dans ses mains, du sperme coulant de son sexe. Et plus tard, le sexe sauvage, passionné, brutal. Mais la violence peut s'avérer plus pernicieuse, plus psychologique, cf l'anniversaire, franchement glaçant. Dans tous les cas, ce n'est que dans l'extrême violence des rapports humains que le film trouve sa puissance et son authenticité.

Pour le reste, le portrait est moins au crépuscule qu'au vitriol, fort parfois mais souvent mollement accusateur et ce malgré ses apparences de recul psychologique.
Nwazayte
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le 20 déc. 2013

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